Cofondatrice avec Louis-Noël Bestion de Camboulas de l’ensemble Les Surprises en 2010, Juliette Guignard (photo) est une splendide violiste que l’on ne connaît pas assez en tant que soliste. Il est vrai qu’elle a été depuis presque une quinzaine d’années d’abord concentrée sur sa participation à une formation (dont elle est, côté administratif, directrice générale) qui occupe désormais une place de premier plan dans le paysage baroque français et européen. Succès justifié ô combien pour un ensemble dont Concertclassic vous avait dit dès 2013 les plus que prometteuses qualités, à l’occasion d’un concert parisien à l’Hôtel de Soubise.(1) Que de chemin parcouru depuis ...
 

© Eric Chabrely 

On vous a en outre signalé il y a peu la sortie en octobre (chez Harmonia Mundi) d’un enregistrement, aussi original que réussi, qui rapproche les familles Bach et Silbermann et convie Marc Mauillon pour quelques pages vocales. (2) L’actualité est aussi discographique pour Juliette Guignard, qui signe – enfin ! – son premier enregistrement solo. Publié chez l’éditeur breton Son An Ero, son programme – intitulé « A la folie » (3) – trace un portrait fidèle d’une artiste passionnée par la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, mais qui montre aussi depuis ses débuts une grande curiosité envers les créateurs contemporains que son environnement familial lui a très tôt permis de découvrir.

 
 
Tossed as it is untroubled de John Cage (que l’on retrouve plus loin avec The unavailable memory of et A Room) ouvre le programme. Entrée en matière âpre et obsessionnelle, pareille à une danse rituelle, avant de laisser place aux pleins et aux déliés Grand-Siècle d’un noble prélude de Monsieur de Sainte-Colombe. William Young, François Rossé, Dubuisson, J.S. Bach, Lionel Ginoux (les nos 6 et 8 des douze Miniatures tirées de l’opéra de chambre Vanda), Abel, Demachy : la totalité du parcours tracé par l’interprète repose sur l’alternance du passé et du présent. De la variété des textures, de la confrontation des énergies naît une écoute toujours stimulante et renouvelée, au fil d’un enregistrement qui souligne combien la viole, instrument longtemps oublié, peut correspondre aux besoins expressifs de la modernité.
 
Si vous êtes du côté de Poitiers le 23 septembre ou le 28 à Bordeaux, pas d’hésitation : courrez faire l’expérience du « A la Folie » de Juliette Guignard en concert ! Un programme à écouter certes, à voir aussi.
 
Alain Cochard