Pour fêter les 25 ans d’existence du Festival de Dinard, son directeur artistique Kun Woo Paik, en charge de cette manifestation depuis 1995, offre au public un concert de prestige dévolu uniquement à la musique russe. Comme chaque année, le récital du pianiste coréen est un instant privilégié très attendu par les mélomanes venus nombreux à l’Auditorium Stephan Bouttet.
 
Dans les vingt-quatre Préludes op. 11 de Scriabine joués non pas dans l’ordre prévu, mais volontairement associés en fonction de leur couleur, se déploie sous des doigts virtuoses tout un kaléidoscope de climats opposés. Au raffinement mélancolique, succèdent tour à tour l’éloquence d’un romantisme à fleur de peau ou l’explosion d’une musique brûlante qui sonde le tréfonds de l’âme, véritable parcours intérieur d’une justesse expressive à couper le souffle.
 
La Sonate n°1 de Rachmaninov devient un torrent de lave porté par un jeu titanesque. Sans un temps mort, les élans expressifs (Allegro moderato initial et Allegro molto final) se conjuguent à l’émotion slave la plus passionnée (Andante), celle que lui a transmise jadis Rosina Lhévinne à la Juilliard School. Paik réussit même à domestiquer le Steinway rétif et sans relief en extrayant tout un éventail de couleurs.
 
Le nouveau maire de Dinard, Martine Craveia-Schütz, rend ensuite un hommage chaleureux à l’homme et à son talent, en présence de l’Ambassadeur du Corée du Sud venu spécialement de Paris avec son épouse. Le lendemain, Kun Woo Paik s’envole pour Séoul où il donnera un concert à l’occasion de la venue du pape François le 15 août.
 
On s’insurge une nouvelle fois à l’idée qu’un tel artiste internationalement reconnu ne bénéficie pas auprès des institutions musicales de notre pays des égards qui lui sont dus. Une injustice incompréhensible tant ce musicien d’exception – et grand amoureux de la France où il est installé depuis de longue années - représente dans notre paysage artistique le chaînon reliant aux plus grands maîtres du clavier.
 
Michel Le Naour
 
Dinard, Auditorium Stephan Bouttet, 8 août 2014

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