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La Bohème à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège - Mi chiamano Ciofi

La Bohème de Jonathan Miller (production de la Bastille) se situait avant-guerre dans le Paris des films de Carné et de son décorateur Trauner, celle de Stefano Mazzonis di Pralafera présentée à Liège jusqu’au 26 juin se tient à l'aube des années cinquante (la présence d'une affiche du film documentaire de Jean-Paul Le Chanois Au cœur de l'orage, sorti en 1948, fournit un précieux indice), à peine remise de l'Occupation, qui tente de relever la tête entre trafics et tapins quotidiens. Rodolfo et ses amis essaient de s'en sortir tant bien que mal, usant de stratagèmes pour ne pas régler leur loyer, toujours prêts à faire la fête et à croire en leur bonne étoile.
Sœur de Violetta Valéry, Mimi n'a rien d'une oie blanche, habituée à vivre de ses charmes et à se faire lâcher par ses « protecteurs » comme une moins que rien, avant de revenir vers son seul amour et de mourir dans ses bras au dernier acte.
Ainsi nous est-elle présentée au début de l'œuvre, pas farouche pour un sou, espionnant son séduisant voisin avant de s'introduire chez lui une fois ses comparses disparus. L'aventure peut alors commencer, tout le monde a compris que leur histoire sera belle, agitée, mais de courte durée, la jolie créature étant gravement malade.
 

Gianluca Terranova (Rodolfo) © Lorraine Wauters - Opéra Royal de Wallonie
 
Après avoir longtemps incarnée la piquante Musetta, Patrizia Ciofi (photo) se risque donc à Mimi, plus tardivement que la plupart de ses consœurs, certes, mais riche d'une carrière que beaucoup peuvent lui envier.
Un premier essai plus que concluant en concert à Pleyel en 2014 (1) a précédé cette prise de rôle scénique qui n’a fait que confirmer nos impressions initiales. Voilà une Mimi lucide, qui se sait condamnée, mais qui prend les devants, amoureuse un temps, volage, mais indéfectiblement liée à Rodolfo vers lequel elle courra pour rendre son dernier souffle. Dans la voix de la soprano, vivement projetée et conduite avec une rigueur instrumentale, passent comme toujours les émotions les plus contrastées, de la joie pudique du « Si, mi chiamano Mimi », aux las frémissements qui parcourent « Donde lieta usci » et secouent un poignant « Bada » ; la scène finale constituant sans surprise, le point culminant de la représentation.
Lyrique, poétique, érotique même, dans sa manière de s'éteindre en séductrice-née, au côté de celui qu'elle n'a cessé d'aimer, la Mimi de Ciofi, actrice-chanteuse bouleversante, se retire subrepticement du monde, sur un fil de voix, telle une douce et indélébile apparition. Encore un rôle marqué par son empreinte !
 
Gianluca Terranova campe un superbe Rodolfo, aux phrasés solaires et enflammés qui, une fois n'est pas coutume, joue fort correctement et dont le vibrato serré se dissipe en cours de soirée. Ionut Pascu est un Marcello de belle allure, vocalement serein, comme le Schaunard de Laurent Kubla et l'élégant Colline d'Alessandro Spina, tandis que Cinzia Forte met tout son talent au service d’une généreuse Musetta.
 Puccinien averti enfin, Paolo Arrivabeni dirige avec des accents d'une profonde sincérité et une parfaite pulsation, l'Orchestre Royal suivant ses directives au doigt et à l'œil.
 
François Lesueur  

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(1) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/la-boheme-en-version-de-concert-pleyel-o-soave-patrizia-compte-rendu
 
 
Puccini : La Bohème, 17 juin ; prochaines représentations les 21, 22, 23, 24, 25 et 26 juin 2016 (avec en alternance Ira Bertram, Marc Laho et Lavinia Bini) / www.operaliege.be/fr/activites/operas/la-boheme-0   / Disponible en streaming à compter du 23 juin : www.operaliege.be/fr/activites/la-boheme-live-web

Photo © Lorraine Wauters - Opéra Royal de Wallonie

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