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La Chronique de Jacques Doucelin - Défense et illustration du chant français
Tout le monde musical s'invite à « Musicora », du 20 au 22 mars, les mélomanes, bien sûr, l'artisanat musical, les éditeurs, les revues et les sites internet spécialisés, nous-mêmes naturellement, les festivals et autres institutions nationales et régionales. Le chant français y a aussi sa juste place. Celui-ci y sera ainsi représenté par ses défenseurs les plus illustres qui organisent avec notre confrère « Opéra Magazine » et son rédacteur en chef Richard Martet une table ronde qui se tiendra le vendredi 20 mars, de 16h30 à 18h, dans la Salle Gabriel du Carrousel du Louvre.
Il s'agit, en fait, d'un cri d'alarme qu'entend bien pousser la toute nouvelle Union pour la Défense de l'Ecole française de Chant. Vous pourrez ainsi poser des questions à son président Gabriel Bacquier, à son vice-président Robert Massard, à son trésorier Michel Sénéchal ainsi qu'à leurs cadets le baryton Ludovic Tézier et la soprano Cassandre Berthon Les échanges porteront sur la meilleure façon d'augmenter le nombre de chanteurs français sur les affiches de nos spectacles lyriques et sur la nécessité de reconstituer des troupes au sein des principaux Opéras de l'Hexagone, à commencer par ceux dotés du label national. Tous les aficionados se doivent d'être présents à cette rencontre du Salon Musicora, car il y a vraiment urgence.
Et ça n'est pas une parole en l'air ! Même si les plus célèbres parmi les plus anciens défenseurs de notre école de chant nationale n'avaient pas décidé cette action publique à Musicora, j'aurais, de toute façon, évoqué le sujet à la suite d'un événement récent tout à fait significatif du sort pitoyable réservé dans notre propre pays à l'école de chant française. Je veux tout simplement parler de la dernière audition publique de l'Atelier lyrique de l'Opéra national de Paris au Palais Garnier, le 24 février dernier. Nous en resterons à la seule analyse de chiffres sans entrer dans des détails personnels qui pourraient nuire bien inutilement à de jeunes artistes en train d'entrer dans la carrière.
Parmi les douze stagiaires de cet Opéra Studio, comme on disait en d'autres temps sous d'autres cieux, cinq sont français venant de Bordeaux, Lyon, Toulouse et Versailles. Remarquez bien : personne de Paris. Trois Argentins témoignent de la qualité de l'école de chant de Buenos Aires. La proportion paraît bonne : l'institution pédagogique dépendant d'une scène internationale comme l'Opéra national de Paris se doit, en effet, de faire rayonner le chant français en initiant à ses subtilités les jeunes chanteurs étrangers qui le souhaitent... C'est hélas! là où le programme de cette soirée laisse rêveur : pas un seul extrait d'opéra en français, pas un seul en italien ! Tout est chanté en allemand, de Humperdinck à Richard Strauss, de Nicolaï à Mozart et à Johann Strauss... Et comble de malchance, bien peu de nos Eliacins sont compréhensibles dans la langue e Goethe...
On peut se poser des questions légitimes: faudra-t-il bientôt aller à Vienne ou à Londres pour apprendre à chanter Carmen ou Werther ? On n'a pas oublié le temps où notre ténor national Michel Sénéchal dirigeait l'Ecole d'art lyrique de l'Opéra, dans les années 80 : il en est sorti des chanteurs français qui chantent aujourd'hui au Met de New York ou à la Scala de Milan. Nous pensons tous à Natalie Dessay, Annick Massis ou Roberto Alagna. C'était aussi le temps où au Conservatoire de Paris oeuvraient Gabriel Bacquier, Régine Crespin, Jane Berbié, Christiane Eda-Pierre, sans compter William Christie : des modèles de carrière pour les jeunes !
Aujourd'hui, on s'interroge : où enseigne Mme Natalie Dessay ? Si elle-même et son époux Laurent Naouri sont certes allés à l'Opéra de Vienne s'initier aux secrets du chant allemand (et comme ils ont bien fait!) ils n'en sont pas moins insurpassables dans le répertoire national. Faudrait-il être un chanteur raté pour avoir le droit de passer un flambeau vacillant aux générations montantes ? Il est grand temps que la Direction de la Musique s'empare du dossier avant qu'il ne soit trop tard. Car à quoi bon obtenir des principaux Opéras nationaux de région qu'ils essaient de reconstituer à nouveau des troupes, si l'étage inférieur se montre incapable d'assurer une formation correcte des jeunes élèves chanteurs ?
Jacques Doucelin
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Photo : DR
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