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La fedeltà premiata de Haydn au festival de Herne 2022 – A quand la scène ? – Compte-rendu
La fedeltà premiata de Haydn au festival de Herne 2022 – A quand la scène ? – Compte-rendu
Alors que les opéras de Haendel font désormais partie du grand répertoire, que ceux de Vivaldi ont connu quelques réussites scéniques encourageantes, qu’attendons-nous encore pour redonner à Haydn la place à laquelle il peut prétendre ? Qui saura en tirer assez de vrai théâtre pour nous permettre d’entendre sa musique ? Certes, contrairement à Mozart, il pâtit de livrets d’une qualité douteuse. C’est sans doute ce qui dessert une partition aussi réussie que celle de La fedeltà premiata, opéra présenté en concert en conclusion du festival de musique ancienne de Herne.
© Thomas Kost
Le livret de Giambattista Lorenzi est assez curieux : d’une part, on est dans l’univers antique de l’Ode à une urne grecque de Keats, avec des nymphes poursuivies par des satyres et un sacrifice dans le temps, on est dans un opera seria avec dea ex machina venant châtier le grand-prêtre qui a cru la berner, mais d’autre part, Diane descendant parmi les mortels vient aussi célébrer l’hyménée des trois couples qui jouent à se faire et à se défaire depuis le lever du rideau, couples plus ou moins sérieux : si Fillide et Fileno n’ont été séparés que par la destinée, et par un malentendu reposant sur la crainte d’être sacrifiés sur l’autel de Diane en tant que couple d’amants fidèles, Nerina et Lindoro sont des humains banalement volages, le plus étonnant étant l’irruption dans ce monde de Don Perrucchetto, don juan ridicule et pleutre tout droit sorti d’un opera buffa, qui finira uni à Amaranta. Autrement dit, il ne se passe rien de bien intéressant et les rebondissements semblent parfois un peu forcés, mais Haydn n’en a pas moins écrit une musique superbe, en particulier pour les deux amants sérieux, finalement réunis par l’unique duo de toute l’œuvre, et avec des ensembles pleins de vigueur. Après cette version de concert, on se dit que cette partition suffirait à convaincre nos oreilles de la qualité de Haydn compositeur d’opéra. A quand une mise en scène qui transcenderait les faiblesses du livret ?
La réussite de la soirée doit sans doute beaucoup au chef Andreas Spering qui, à la tête de la Capella Augustina, l’orchestre qu’il a créé en 1996, sait à merveille alterner les atmosphères dans cette œuvre où l’on passe sans cesse du drame à la bouffonnerie : à l’ouverture pleine de fureur, à une grande scène comme celle où Fileno décide de se donner la mort, traitée en récitatif accompagné, répondent les interventions burlesques du comte Perrucchetto, en un télescopage d’esthétiques voulu mais déconcertant. Pour ne dépasser les trois heures, quelques coupes ont été opérées ici et là dans les récitatifs, mais le dernier acte se trouve réduit à la portion congrue (comme c’est le cas dans les enregistrements récents de cette œuvre).
Le livret de Giambattista Lorenzi est assez curieux : d’une part, on est dans l’univers antique de l’Ode à une urne grecque de Keats, avec des nymphes poursuivies par des satyres et un sacrifice dans le temps, on est dans un opera seria avec dea ex machina venant châtier le grand-prêtre qui a cru la berner, mais d’autre part, Diane descendant parmi les mortels vient aussi célébrer l’hyménée des trois couples qui jouent à se faire et à se défaire depuis le lever du rideau, couples plus ou moins sérieux : si Fillide et Fileno n’ont été séparés que par la destinée, et par un malentendu reposant sur la crainte d’être sacrifiés sur l’autel de Diane en tant que couple d’amants fidèles, Nerina et Lindoro sont des humains banalement volages, le plus étonnant étant l’irruption dans ce monde de Don Perrucchetto, don juan ridicule et pleutre tout droit sorti d’un opera buffa, qui finira uni à Amaranta. Autrement dit, il ne se passe rien de bien intéressant et les rebondissements semblent parfois un peu forcés, mais Haydn n’en a pas moins écrit une musique superbe, en particulier pour les deux amants sérieux, finalement réunis par l’unique duo de toute l’œuvre, et avec des ensembles pleins de vigueur. Après cette version de concert, on se dit que cette partition suffirait à convaincre nos oreilles de la qualité de Haydn compositeur d’opéra. A quand une mise en scène qui transcenderait les faiblesses du livret ?
La réussite de la soirée doit sans doute beaucoup au chef Andreas Spering qui, à la tête de la Capella Augustina, l’orchestre qu’il a créé en 1996, sait à merveille alterner les atmosphères dans cette œuvre où l’on passe sans cesse du drame à la bouffonnerie : à l’ouverture pleine de fureur, à une grande scène comme celle où Fileno décide de se donner la mort, traitée en récitatif accompagné, répondent les interventions burlesques du comte Perrucchetto, en un télescopage d’esthétiques voulu mais déconcertant. Pour ne dépasser les trois heures, quelques coupes ont été opérées ici et là dans les récitatifs, mais le dernier acte se trouve réduit à la portion congrue (comme c’est le cas dans les enregistrements récents de cette œuvre).
Andreas Spering © Thomas Kost
Une distribution internationale rend justice à cet opéra qui appelle de grandes voix, avec parfois des tessitures très larges, notamment pour les voix féminines qui hésitent entre soprano et mezzo : on se rappelle qu’Antal Dorati avait confié Fillide à Lucia Valentini-Terrani ; dans la version dirigée par David Golub, c’est Daniela Barcellona qui chante Amaranta. A Herne, c’est Sophie Harmsen qui campe Fillide, avec de vrais graves de mezzo, mais une aisance non moins remarquable dans l’aigu. A ses côtés, David Fischer est un Fileno infiniment séduisant, le ténor déployant un luxe de nuances dans les airs bouleversants que Haydn destinait au personnage, notamment « Miseri affetti miei » avec son accompagnement orchestral plein de subtilité. Grand habitué des rôles comiques, Bruno Taddia ne fait qu’une bouchée de Don Perrucchetto, grâce à ses talents d’acteur et à sa maîtrise de la vélocité syllabique, même si le grave sonne toujours un peu artificiel.
Ylva Sofia Stenberg se montre très convaincante en Amaranta (on n’oubliera pas son air de colère « Vanne… fuggi… traditore »), tandis que sa compatriote Karolina Bengtsson prête à Nerina un timbre opulent et un chant émouvant, avant de se transformer in extremis en Diane majestueuse. Le ténor Taejun Sun s’accommode du rôle moins exposé de Lindoro, beaucoup moins gâté par la partition que Fileno, et Daniel Ochoa confère ses graves et sa faconde à Melibeo, grand-prêtre qui doit chaque année livrer un couple d’amants fidèles en pâture à un monstre mais également soupirant transi d’Amaranta.
Laurent Bury
Une distribution internationale rend justice à cet opéra qui appelle de grandes voix, avec parfois des tessitures très larges, notamment pour les voix féminines qui hésitent entre soprano et mezzo : on se rappelle qu’Antal Dorati avait confié Fillide à Lucia Valentini-Terrani ; dans la version dirigée par David Golub, c’est Daniela Barcellona qui chante Amaranta. A Herne, c’est Sophie Harmsen qui campe Fillide, avec de vrais graves de mezzo, mais une aisance non moins remarquable dans l’aigu. A ses côtés, David Fischer est un Fileno infiniment séduisant, le ténor déployant un luxe de nuances dans les airs bouleversants que Haydn destinait au personnage, notamment « Miseri affetti miei » avec son accompagnement orchestral plein de subtilité. Grand habitué des rôles comiques, Bruno Taddia ne fait qu’une bouchée de Don Perrucchetto, grâce à ses talents d’acteur et à sa maîtrise de la vélocité syllabique, même si le grave sonne toujours un peu artificiel.
Ylva Sofia Stenberg se montre très convaincante en Amaranta (on n’oubliera pas son air de colère « Vanne… fuggi… traditore »), tandis que sa compatriote Karolina Bengtsson prête à Nerina un timbre opulent et un chant émouvant, avant de se transformer in extremis en Diane majestueuse. Le ténor Taejun Sun s’accommode du rôle moins exposé de Lindoro, beaucoup moins gâté par la partition que Fileno, et Daniel Ochoa confère ses graves et sa faconde à Melibeo, grand-prêtre qui doit chaque année livrer un couple d’amants fidèles en pâture à un monstre mais également soupirant transi d’Amaranta.
Laurent Bury
Haydn : La fedeltà premiata - Herne, Kulturzentrum, 13 novembre, 2022
Photo © Thomas Kost
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