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La Maîtrise Notre-Dame de Paris au Festival des Heures des Bernardins – Energie et sensibilité – Compte-rendu

Sous-titrée Le murmure de l’âme, la 7e édition du Festival des Heures du Collège des Bernardins aurait dû se tenir les 13 et 14 novembre 2020. Reportée, elle a finalement eu lieu les 11 et 12 juin 2021, les cinq concerts répartis sur la journée du samedi 12 offrant une programmation éclectique : Matines (Variations Goldberg par Tanguy de Williencourt), Laudes (Brahms par Pierre Génisson, clarinette, et le Quatuor Tchalik, Didier Sandre lisant un inédit de François Cheng), Tierce (Beethoven et Dvořák par Marc Coppey et Peter Laul, violoncelle et piano), Vêpres (Tchaïkovski, Pärt, Sviridov, par Les Métaboles que dirigeait Léo Warynski), enfin Complies (Neuvième de Beethoven dans l'extraordinaire version à deux pianos de Liszt, par Philippe Cassard et Cédric Pescia qui l'ont magistralement gravée pour La Dolce Volta). La veille, en ouverture du Festival et comme de tradition, revenait à la Maîtrise Notre-Dame de Paris le concert des Vigiles, donné à Saint-Étienne-du-Mont.
 
À ce concert de reprise de la Maîtrise participaient deux de ses formations : vingt chanteurs du Chœur d'adultes, quatre du Jeune Ensemble, accompagnés au grand orgue (1) par Yves Castagnet, tous sous la direction ductile, lumineuse, fougueuse et bienveillante d'Henri Chalet. Quant au Chœur d'enfants, on pourra de nouveau l'entendre pour la Fête de la Musique, le 21 juin au Collège des Bernardins, avec le Jeune Ensemble, Thomas Tacquet au piano et sous la direction d'Émilie Fleury – puis les trois formations réunies lors du concert d'ouverture de la saison 2021-2022 de Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris, le 19 octobre à Saint-Eustache. De leur côté, les titulaires du grand orgue de la cathédrale – Olivier Latry, Philippe Lefebvre et Vincent Dubois – fêteront ensemble les vingt ans de l'orgue Bertrand Cattiaux de Saint-Remi de Reims, dans le cadre des Flâneries musicales, le 8 juillet.

Le programme de ce concert des Vigiles marquait par ses choix musicaux l'évidente volonté de renouer dans la continuité, maintes pièces faisant partie des piliers du vaste répertoire de la Maîtrise, laissant par la force des choses de côté les (post-)romantiques allemands, de Mendelssohn ou Rheinberger à Reger, ou certains modernes très prisés de la formation, tel Britten. Conservant l'habituelle spatialisation des concerts de Notre-Dame et en guise de mise en écoute, la soirée s'ouvrit sur la singulière et vibrante Chanson à bouche fermée de Jehan Alain (sans doute davantage, dans le sommet d'intensité, « sans paroles » que strictement à bouche fermée), le chœur étant derrière le public, lui-même tourné vers le grand orgue. Tout comme pour la pièce suivante, entendue en ouverture de saison (2) : Choral du Veilleur BWV 645, des Chorals Schübler pour orgue, lequel conservait ritournelle d'accompagnement et basse, le thème fameux étant entonné par la Maîtrise.
 

Henri Chalet ( à dr.) et quelques membres de la Maîtrise Notre-Dame de Paris © mirou
 
S'ensuivirent les Quatre petites prières de Saint-François d'Assise (1948) de Francis Poulenc, pour voix d'hommes a cappella – sublimes harmonies admirablement servies par le Chœur d'adultes –, puis l'imposant Ave Maria à 8 voix de Tomás Luis de Victoria, entendu en 2017 lors d'un concert couronné des Cantigas de Maurice Ohana resté dans les mémoires (3). Précédée de l'émouvant Ô Notre Dame du soir d'Yves Castagnet pour huit voix de femmes et orgue, la quintessence de la musique sacrée inspirée du grégorien figurait également à ce programme, par l'ensemble des chanteurs a cappella : purs et bouleversants Quatre motets op. 10 (1960) de Maurice Duruflé, ici même chez lui puisqu'il fut titulaire de Saint-Étienne-du-Mont dès 1929.
 
Contraste assuré avec une dernière œuvre ultramontaine : très impressionnant Crucifixus à 8 voix d’Antonio Lotti, quasi-expressionniste, entendu à Notre-Dame au cœur d'un riche programme Bach et l'Italie quelques jours avant l'ouverture, sous la direction de Sylvain Dieudonné, du Festival des Heures 2018 (4). D'Olivier Messiaen fut ensuite proposé, a cappella, un must à haut risque de tout chœur digne de ce nom : O sacrum convivium (subjuguante ultime tenue, d'un souffle inépuisable et sans la moindre distorsion), puis le radieux Veni, Sancte Spiritus avec orgue d'Yves Castagnet, qui referme le CD Warner Classics Notre-Dame, cathédrale d'émotions (2020), capté sur le vif tout comme le Psaume 121 de Philippe Hersant et le grand Magnificat op. 50 de Jean-Charles Gandrille qui l'accompagnent sur le versant contemporain de ce disque.
 
À Wie lieblich sind deine Wohnungen de Brahms (Requiem allemand), d'une tendre humanité, chaleureuse et sensible, fit suite le premier chœur de la Cantate Wachet auf, ruft uns die Stimme BWV 140 de Bach : si hormis le BWV 645 aucune pièce d'orgue n'était inscrite à ce programme, contrairement à celui de Saint-Eustache en octobre dernier, maintes parties d'orgue d'envergure étaient requises par les arrangements proposés. Tel fut le cas de ce chœur à l'indomptable énergie couronnant en beauté un programme vivement ovationné.
 
Michel Roubinet

 Paris, église Saint-Étienne-du-Mont, 11 juin 2021
www.collegedesbernardins.fr/content/concert-des-vigiles-2021
 

 
(1www.organsparisaz4.orguesdeparis.fr/St%20Etienne%20Mont.htm
 
(2www.concertclassic.com/article/la-maitrise-notre-dame-de-paris-ouvre-sa-saison-saint-eustache-le-concert-ou-la-formation-en
 
(3www.concertclassic.com/article/la-maitrise-notre-dame-de-paris-et-lorchestre-du-conservatoire-interpretent-ohana-laudace
 
(4www.concertclassic.com/article/6eme-festival-des-heures-des-bernardins-ouverture-medievale-notre-dame-de-paris
 
Photo © Léonard de Serres

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