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La tempranica de Gerónimo Gimenez au Teatro de la Zarzuela de Madrid (streaming) - Haut les masques ! – Compte-rendu
Pour son ouverture de saison, Le Teatro de la Zarzuela de Madrid a présenté un diptyque sous l’intitulé « Granada », qui déroulait en alternance La tempranica de Gerónimo Gimenez et La vida breve de Manuel de Falla. Deux œuvres ayant Grenade pour cadre, mais aussi liées par une filiation esthétique.
Attachons-nous à La tempranica, nouvelle production telle que la transmet une captation de la soirée du 16 octobre (1). Cette zarzuela de Gerónimo Giménez (1852-1923) avait été créée en 1900, reçue immédiatement dans l’enthousiasme pour ensuite perdurer au répertoire en Espagne. L’œuvre allie esprit allègre et exigence savante, mais se signale surtout par une teinte andalouse et l’introduction de mélopées à la manière du flamenco, éléments devenus courants dans d’autres ouvrages lyriques espagnols mais neufs pour l’époque. La trace s’en retrouvera chez Falla tout le premier, qui ne se fera pas faute de revendiquer dans son inspiration l’influence de Giménez, son compatriote andalou.
L’intrigue, il est vrai, s’y prête, qui plante son décor dans les environs de Grenade parmi les Gitans pour pimenter un contexte d’amours contrariées (bien évidemment). María, dite « la tempranica » (l’impétueuse), est secrètement amoureuse de Don Luis, seigneur rencontré à la suite d’un accident de cheval et qu’elle avait recueilli dans le camp de ses congénères gitans. Entre-temps, elle a été toutefois promise à Miguel, un homme de son ethnie. Survient Don Luis et María de lui déclarer à nouveau sa flamme. Apprenant ensuite qu’il s’est marié, elle court à sa rencontre, prête à commettre une folie. Pour finir attendrie, en voyant l’enfant du couple formé par Luis, renoncer à ses ressentiments et revenir auprès de Miguel.
Gerónimo Giménez © DR
Un prétexte à une musique passionnée, comme le veut l’intrigue, sur des mélodies et un orchestre de flammes (2). Cet argument du livret original reste toutefois sous-jacent dans la récente production du Teatro de la Zarzuela. Car le metteur en scène Giancarlo del Monaco (signataire également de La Vie brève, second volet du diptyque repris cette fois d’une production datée de 2010) a choisi de gommer les dialogues parlés, inhérents à toute zarzuela, remplacés par une conversation entre le compositeur Giménez et son disciple Falla, inventée par Antonio Conejero et bien dite par deux acteurs (Jesús Castejón et Carlos Hipólito), commentant en avant-scène l’œuvre en cours de représentation. Assez incongru et frustrant, d’autant plus pour qui méconnaît les soubresauts de l’action !
Pour le reste, la production manifeste une juste adéquation des situations, aidée d’une chorégraphie adaptée de Nuria Castejón, propre à mettre en valeur les personnages et particulièrement l’héroïne avec ses souffrances dans une pénombre propice quasi dépourvue de décor. Les nombreuses scènes de foule se caractérisent par une agitation précise, mais tumultueuse voire terrifiante. En concordance avec des costumes d’aspect diabolique (conçus par Jesús Ruiz), elle est soulignée pour chacun de ses participants par le port d’un masque, façon masque de carnaval ou de sorcellerie. Obligation de notre époque, convertie en un troublant et percutant effet de mise en scène !
Musicalement, la satisfaction est entière. La mezzo Nancy Fabiola Herrera (photo à g.) explose littéralement dans le rôle-titre, avec des emportements de circonstance maintenus fermement et une ligne de chant jamais prise en défaut. La grande triomphatrice de la soirée, sur qui tout repose en définitive ! La basse Rubén Amoretti (photo à dr.), dans une tessiture de baryton, lui donne la juste réplique d’un Luis soutenu. N’omettons pas la soprano légère Ruth González, dans le pétulant rôle travesti de Grabié, qui lance vivement sa « tarántula ». Le chœur maison, préparé par Antonio Fauró, ne faillit pas dans ses interventions mouvementées mais vocalement exactement réglées. L’orchestre, celui de la Communauté de Madrid (titulaire du théâtre) en petite formation et masqué (contraintes du temps), réagit avec fougue en dépit de son effectif réduit, enlevé par la direction acerbe de Miguel Ángel Gómez-Martínez. Une belle soirée à goûter sereinement, chez soi, dans ce contexte confiné qui s’y prête.
Il est à noter que le Teatro de la Zarzuela demeure ouvert et présente comme prévu sa nouvelle production, La del Manojo de Rosas de Pablo Sorazábal, à partir du 10 novembre. Mis en scène par Emilio Sagi et dirigé par Guillermo García Calvo, le spectacle sera retransmis en direct dès le 12 (3).
Pierre-René Serna
(1) Visible sur youtube :
www.youtube.com/watch?v=VDNLCc2lPuo (début du spectacle à 16’09’’)
(2) Pour plus de détails sur l’œuvre, on pourra consulter notre livre Guide de la Zarzuela (Bleu Nuit éditeur, 2012).
(3) teatrodelazarzuela.mcu.es/en/temporada/lirica-2020-2021/la-del-manojo-de-rosas-2020-2021 (Retransmission en direct le 12/11/2020 à 20h via Youtube et Facebook : www.youtube.com/watch?v=c-_3OB8jJlM )
Photo © Teatro de la Zarzuela
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