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La Traviata à l’Opéra de Reims - La révélation Gimadieva - Compte-rendu
Un rideau azur flottant, une verrière Liberty en perspective : la transposition de La Traviata dans l’Italie des années vingt réalisée par Jean-Romain Vesperini – étrennée le mois dernier à Limoges – dévoile d’emblée une élégance poétique qui ne sacrifie nullement l’efficacité dramatique, particulièrement sensible dans un premier acte d’une remarquable concision. Avec sa direction d’acteurs réduite à l’essentiel, l’épure confine parfois au conformisme dans le deuxième, pénalisé il faut le reconnaître par le Germont paternaliste et charbonneux de Marzio Giossi. Le second tableau de l’acte II détourne avec habileté certains stéréotypes – le toréador de Biscaye est un travesti à la stature de rugbyman si léché qu’il en évite la caricature de mauvais goût – défaut que ne connaît point d’ailleurs la production, laquelle enchaîne directement les deux derniers actes. A la fin des agapes, Violetta finit sur la table de jeux, dans un rite presque sacrificiel qui fait de celle-ci l’antichambre de sa couche mortuaire, où elle est transportée par un groupe d’hommes, dont le docteur Grenvil – fort honnêtement incarné par Julien Véronèse.
Dommage que dans une volonté de souligner l’assomption de l’héroïne, debout sur la moquette verte, il ait été jugé utile de supprimer le commentaire du chœur dans les dernières mesures, éludant ainsi le malheur des survivants en contrepoint de la céleste délivrance, conjonction sémiologique pourtant au cœur de l’opéra verdien.
Cela est d’autant plus regrettable que la Violetta de Venera Gimadieva(photo) fait chavirer les oreilles autant que les yeux – chair veloutée de la voix, expressivité et tempérament déjà très affirmés pour cette jeune soprano russe à qui l’on promet un bel avenir. A mille lieues des courtisanes désincarnées vues récemment sur les planches, l’élégance de sa ligne et de ses robes galbe une féminité dont elle révèle l’ambivalente attraction, entre idéalisation et asservissement aux désirs des hommes. Son partenaire, l’Alfredo d’Edgaras Montvidas, lui oppose une passion aux accents parfois robustes.
Parmi les comprimari, on retiendra le Gaston de Létorière bien timbré de Julien Dran, la Flora coquette d’Alison Cook, quoique parfois un peu basse d’intonation ou encore l’Annina plaintive de Sophie Angebault. Bardassar Ohanian et David Woloszko incarnent des Douphol et d’Orbigny tout à fait en situation.
Enfin, la soirée ne connaîtrait pas une telle réussite sans la direction particulièrement subtile de Giacomo Sagripanti, attentif aux inflexions dramatiques de la ligne mélodique et des couleurs orchestrales, avec une sensibilité et une maturité remarquables pour ce jeune chef italien très prometteur qui fait des miracles à la tête du perfectible Ensemble Lyrique Champagne Ardenne.
Gilles Charlassier
Verdi : La Traviata – Reims, Opéra, 11 mai 2012
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Photo : DR
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