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Lancelot de Victorin Joncières à Saint-Etienne - Faire tourner les tables rondes – Compte-rendu
Si l’Opéra de Saint-Etienne a perdu son festival Massenet, il n’en prend pas moins au sérieux la mission qu’il s’est fixée : explorer les œuvres délaissées des contemporains et disciples du compositeur stéphanois. Après Dante de Benjamin Godard au printemps 2019, c’est cette saison le tour du Lancelot de Victorin Joncières. Le Dimitri (1876) du même compositeur, enregistré par le Palazzetto Bru Zane, avait été en 2014 une bien belle surprise, et le peu qu’on avait pu entendre de ce Lancelot donnait envie d’en découvrir davantage. Pas de disque en vue pour cet ultime opéra de Joncières, créée en 1900 au Palais Garnier : sa résurrection n’en était que plus attendue.
© Cyrille Cauvet
Pourtant, l’écriture de Victorin Joncières semble s’être beaucoup assagie par rapport à celle de ses débuts, et Lancelot apparaît surtout comme la synthèse d’un demi-siècle de création lyrique puisque s’y côtoient des fanfares dignes du Prophète de Meyerbeer et le wagnérisme tempéré par le goût français, dans un opéra qui se dispense d’airs mais qui inclut quand même un ballet-pantomime digne d’Ambroise Thomas. Malgré la similitude de sujet, la musique de Lancelot ne ressemble guère à celle du Roi Arthus de Chausson (1903) mais, sujet médiéval oblige, on y entend beaucoup d’appels de trompettes, les plus beaux passages étant sans doute les divers duos réunissant tour à tour les différents protagonistes.
© Cyrille Cauvet
Emmenés à un rythme soutenu par Hervé Niquet, grand habitué de ce genre d’entreprise – il dirigeait encore récemment la rare Phryné de Saint-Saëns –, l’Orchestre symphonique et le Chœur lyrique Saint-Etienne Loire s’investissent avec ardeur dans cette partition, de même que la belle distribution réunie pour l’occasion. Confronté à un rôle exigeant, Thomas Bettinger relève très dignement le gant et traduit avec soin les différentes humeurs du héros. Tomasz Kumiega est un roi au timbre incisif, dont on regrette seulement que les e muets ne soient pas plus idiomatiques. En Alain de Dinan, Frédéric Caton remplit son rôle de père noble. Philippe Estèphe n’a réellement qu’une scène, mais s’y montre mordant, tandis que Camille Tresmontant prête sa sensibilité au ménestrel Kadio. Succédant à Marie Delna, Anaïk Morel est bien le mezzo-soprano qu’exige le personnage de Guinèvre, Olivia Doray lui opposant une voix de soprano suffisamment charnue pour lui donner la réplique.
© Cyrille Cauvet
A la mise en scène, on retrouve Jean-Romain Vesperini, à qui avait déjà été confié le Dante susnommé. Le spectacle respecte les données de cette œuvre rare tout en soulignant son inscription dans une fin-de-siècle symboliste, avec un élégant décor qui cite le cycle des tapisseries du Graal de Burne-Jones et dont le centre est occupé par une tournette qu’auront beaucoup vue les amateurs de rareté lyrique cette saison : après l’avoir utilisé pour représenter le disque solaire dans Akhnaten et dans Phaéton de Lully à Nice, Bruno de Lavenère l’emploie également pour symboliser la table ronde des chevaliers d’Arthur, le tournoiement et l’inclinaison du plateau s’avérant ici aussi efficaces pour évoquer les divers lieux de l’action et composer quelques images frappantes. La chorégraphie de Maxime Thomas permet aux cinq danseuses-ondines de traduire la sensualité du rêve de Lancelot au troisième acte.
Laurent Bury
Victorin Joncières : Lancelot - Saint-Etienne, Opéra, 6 mai ; prochaines représentations les 8 (15h) et 10 mai (20h) 2022 // opera.saint-etienne.fr/otse/saison-21-22/spectacles//type-lyrique/lancelot/s-638/
Photo © Cyrille Cauvet
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