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Le Boston Symphony Orchestra et Andris Nelsons à la Philharmonie de Paris – Une magnétique force terrienne – Compte-rendu
Les amoureux de grand répertoire symphonique sont sortis heureux samedi soir de la Philharmonie. La fameuse beauté de son qui fait la réputation du Boston Symphony Orchestra s’est amplement confirmée dans la Troisième Symphonie de Gustav Mahler, menée par Andris Nelsons (directeur musical de la formation depuis 2014).
Malgré la longueur et la complexité architecturale d’une œuvre qui dépasse et déplace tout repère, l’auditeur ne voit pas le temps passer, tant il vit une aventure symphonique tout simplement jouissive, à la hauteur, nous semble-t-il, de l’ambition de Mahler. Orchestre et chef se complètent ici entre beauté sonore de l’un et puissante énergie de l’autre. Apollon et Dionysos.
Pas de bond sur l’estrade, ni de gestes excessifs pour le colosse Nelsons cette fois, mais toujours ce magnétisme, cette force terrienne, presque fauve, qui émane de tout son corps.
© Marco Borggreve
A travers la Symphonie en ré mineur, hymne à la nature, à l’humanité, hymne à la création sur fond de philosophie nietzschéenne (Ainsi parlait Zarathoustra), Mahler invente aussi un hymne à l’orchestre. Tour à tour sereine, tragique, grinçante, exubérante, avec ses marches militaires, ses fanfares dansantes, ses envolées lyriques, ses noires profondeurs et ses métamorphoses magiques, la partition résume l’univers de l’artiste autrichien. Le BSO nous l’offre à un niveau d’exécution qui dépasse l’entendement. Les cuivres de Boston ! C’est donc vrai : le velouté, le chaleur, le legato, le chant ! Le trombone de Toby Oft… On a presque été rassuré d’entendre deux mini « couacs » pour se rappeler qu’on était sur terre en compagnie d’humains. La trompette de Thomas Rolfs … : moment de grâce absolue dans le dialogue du 3e mouvement. Les cors ne font plus qu’un dans leur chaude profondeur. On ne peut citer tous les solistes, mais ils le mériteraient : la flûte solo qui nous tire les larmes dans le dernier mouvement, la plainte du hautbois, l’appel de la clarinette… De pures merveilles. Seul peut-être le violon solo (on n’entend pas malheureusement pas Malcolm Lowe ce soir) de Tamira Smirnova, certes brillant et incontestablement virtuose, ne nous a pas toujours musicalement convaincue.
On a tant admiré le mezzo plutôt clair de Susan Graham à l’opéra que l’on se demandait comment sonnerait son « O Mensch ! » – d’autant plus qu’on avoue avoir réécouté Christa Ludwig juste avant de venir (Wiener Philharmoniker, Leonard Bernstein). Susan Graham témoigne d'une sobriété magnifique. La profondeur n’est pas ici dans le timbre mais dans l’intention poétique et musicale. C’est un chant de l’humanité, un chant d’humilité.
Installées dès le début à l’arrière scène, les voix d’anges de la Maîtrise de Radio France et du Chœur de femmes de Radio France (respectivement préparés par Victor Jacob et Johannes Prinz) étaient tout simplement parfaites. Quelques minutes chorales déterminantes, à la hauteur des cent autres de cette composition monumentale.
On retient son souffle à la fin du cinquième mouvement, lorsque Madame Graham se rassoit. La main gauche de Nelsons reste en tension suspendue, pour enchaîner, relâcher et déployer les larges phrases du Langsam final. Même des fleurs jetées vigoureusement du premier balcon de côté ont fait peur à tout le monde, musiciens compris, tant l’apothéose finale nous entraînait loin…
Triomphe mérité pour une Troisième de Mahler qui restera dans nos mémoires, d’abord et avant tout pour l’immense spectacle symphonique qu’elle fut, grâce à la qualité des musiciens du BSO. L’un des « Big Five », encore et toujours.
Gaëlle Le Dantec
Samedi 15 septembre – Grande Salle Pierre Boulez – Philharmonie de Paris
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