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Le « Cabaret horrifique » de Valérie Lesort à l’Opéra-Comique – Faut qu’ça saigne ! – Compte-rendu
Entrée par le 8 de la rue Marivaux : la salle Bizet est transformée en un cabaret enfumé (la technique utilisée est compatible avec la loi Evin, n’ayez crainte). Pendu dans l’embrasure de la porte, un simulacre de cadavre sanguinolent drapé dans du film plastique ; ambiance ... « Voici mon message/Cauchemars, fantômes et squelettes/Laissez flotter vos idées noires/ Près de la mare aux oubliettes/Tenue du suaire obligatoire/ Champagne ! » : en exergue du programme, Higelin achève de donner le ton. Les bruits des bouchons des bouteilles de champagne disposées sur les tables se multiplient, les coupes s’entrechoquent, il est 19h30 ; le « Cabaret horrifique » commence ...
Lionel Peintre © S. Brion
Difficile de décrire le « train fantôme » dans lequel nous fait monter Valérie Lesort, sa conceptrice et metteuse en scène. Le résultat est en tout cas diablement foutraque, ruisselant d’hémoglobine, de gags dignes d’étudiants portés sur le gore, mais au bout du compte franchement séduisant, à condition d’accepter les conditions du voyage – et de laisser à la porte certaines convenances du monde-de-la-musique-classique. Jean Cras, Haendel, Marie-Paule Belle, Saint-Saëns, Ravel, Weill, Gounod, Boris Vian, Schubert, Lloyd Webber, Marie Dubas, Lully et Purcell forment le programme musical. Improbable sur le papier, cette liste s’avère d’une remarquable efficacité en pratique.
La soprano Judith Fa et le baryton Lionel Peintre sont à l’œuvre, tandis que V. Lesort, dans une fantomatique mise (photo), une main humaine fichée dans sa chevelure, se fait figurante et bruiteuse. Et n’oublions pas Martin Surot : il joue – fort bien ! – du piano et parfois du synthé (la situation ne doit pas faire oublier qu’il est un grand chef de chant), mais aussi un jeu qui le conduira à accepter de, carrément, se faire arracher le cœur – il va très bien, merci.
Lionel Peintre, Valérie Lesort & Judith Fa © S. Brion
« Faut qu’ça saigne ! » chante Vian dans son Tango des joyeux bouchers, et ça saigne, copieusement, au cours d’un Cabaret où surgissent des spectres (L. Peintre saisissant dans Le Roi des aulnes !), mais où résonnent aussi les fous rires du public, un brin désarçonné au début, puis vite conquis par l’imagination débordante de V. Lesort et l’implication des deux chanteurs. Poétique image enfin que celle de L. Peintre entonnant, sous des flocons de neige, l’Air du Froid du King Arthur. La conclusion du spectacle ? Oui, enfin... non. Quoi alors ? Chut ! Reprise du 22 au 25 mai, et vous saurez.
Pour ce qui est de V. Lesort, après sa délectable Petite Balade aux enfers(1), le mois dernier, et avant la mise en scène d’Ercole amante avec Christian Hecq à l’automne, on apprend que la prochaine édition de « Mon Premier Festival d’Opéra » au Comique, en février 2020, la verra s’attaquer à un grand titre de l’opéra français. Chic !
Quant à la formule du cabaret, du caf’ conc’, on ne peut qu’inciter Favart à l’explorer, même sous un format plus traditionnel qu’ici. Un riche patrimoine, des trésors de l’esprit français ne demandent qu’à renaître ...
Alain Cochard
«Cabaret horrifique » – Paris, Opéra-Comique (salle Bizet), 14 mars ; prochaines représentations du 22 au 25 mai 2019 // www.opera-comique.com/fr/saisons/saison-2019/cabaret-horrifique
Photo © S. Brion
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