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Le Concours Olivier Messiaen renaît à Lyon – Honneur à l'instrument du maître : l'orgue – Compte-rendu

Au printemps 1964 voit le jour la Semaine internationale d'art contemporain de Royan. (Bien que non encore terminé, le grand orgue Boisseau de l'église Notre-Dame, d'une architecture audacieusement novatrice [1958], est alors inauguré par Jean Guillou ; entièrement restauré, l'instrument est présentement en cours de remontage, 1). Programmée fin mars-début avril et dirigée jusqu'en 1972 par Claude Samuel (Harry Halbreich lui succède), la manifestation s'intitule dès 1965 Festival international d'art contemporain de Royan (2) – musique, théâtre, danse, photographie… – et devient aussitôt l'une des plus prisées de la scène internationale (dernière édition en 1977). En 1967 (Claude Samuel publie chez Belfond ses Entretiens avec Olivier Messiaen) vient s'y ajouter le Concours de piano Olivier Messiaen : Michel Béroff remporte à dix-sept ans la toute première édition, Messiaen lui-même présidant le jury. Ce concours est organisé jusqu'en 1972, puis remplacé par un concours de flûte contemporaine. La Ville de Paris reprend le Concours Messiaen, intégré à ses concours internationaux lors de trois éditions : Yvonne Loriod préside le jury en 2000, Michel Béroff en 2003, Gilbert Amy en 2007.
 

L'orgue de l'Auditorium de Lyon © Mirou

Juin 2019 voit renaître à Lyon le Concours Olivier Messiaen, sous la présidence de Claude Samuel. Il a toutefois été décidé que l'instrument de cette première édition serait l'orgue, si pleinement indissociable de la personne, de la carrière et de l'œuvre de Messiaen, Bruno Messina, directeur de l’Agence iséroise de diffusion artistique, étant chargé de sa mise en œuvre « dans la dynamique permise par le projet artistique de la Maison Messiaen, résidence d’artistes en Matheysine », avec pour prolongement naturel le Festival Messiaen de la Meije, dont la 22ème édition se tiendra du 26 juillet au 4 août (3) – Bruno Messina en est le directeur artistique, tout comme du Festival Berlioz pour ainsi dire voisin.

Six candidats venus d'Allemagne, France et Hongrie ont été retenus pour ce premier Concours Messiaen lyonnais. À l'issue des premier (à l'orgue Daniel Kern de Saint-Pothin, 4) et second tours (à l'Auditorium de Lyon), quatre candidats ont été conviés à disputer la finale, également aux claviers du grand orgue de l'Auditorium – dont on rappelle qu'il s'agit de l'orgue Cavaillé-Coll du Trocadéro (1878), reconstruit au Palais de Chaillot par Victor Gonzalez (1939), transféré à Lyon en 1977 par Georges Danion, subissant alors une « importante transformation sonore » (5), finalement restauré, ô combien magnifiquement, par Michel Gaillard (Manufacture Aubertin) en 2013 : un orgue de salle qui sonne !
 
La finale du 22 juin consistait pour chacun des quatre candidats retenus en un véritable concert de 45 minutes, avec une pièce ou un ensemble de pièces de Messiaen et l'œuvre de Philippe Hersant In exitu, commande spécifique du Concours, entendue quatre fois de manière extrêmement différente (aucune version n'aurait entièrement satisfait le compositeur – les créateurs n'étant pas nécessairement les meilleurs juges, moins encore les meilleurs interprètes !), pages auxquelles s'ajoutait « un programme libre issu du répertoire entre 1830 et 1945 ». À noter que la présence du public fut un indice révélateur et encourageant de l'intérêt porté à cette manifestation : de 80 personnes lors du premier tour jusqu'à quelque 400 pour la finale.
 

Olivier Latry, président du jury © DR
 
Présidé par Olivier Latry, organiste à Notre-Dame et professeur au CNSMD de Paris, le jury était composé de la musicologue Catherine Massip, spécialiste (entre autres) de Messiaen ; Liesbeth Schlumberger, professeur au CNSM de Lyon et organiste du temple de l'Étoile à Paris ; Thierry Escaich (qui a été compositeur en résidence à l'Orchestre national de Lyon), professeur au CNSM de Paris, successeur de Maurice Duruflé à Saint-Étienne-du-Mont ; Philippe Hersant (qui a été lui aussi compositeur en résidence à l'Orchestre national de Lyon) ; Edgar Krapp (disciple, notamment, de Marie-Claire Alain à Paris et un temps titulaire de l'orgue Kleuker de l'église évangélique allemande), successeur de Helmut Walcha à la Musikhochschule de Francfort (Daniel Roth lui succéda), puis au Mozarteum de Salzbourg ; Thomas Lacôte, l'un des titulaires de la Trinité à Paris : l'orgue de Messiaen (6), professeur au CNSM de Paris ; Benoît Mernier, compositeur et organiste belge ; Leo Samama, compositeur et musicologue néerlandais.
 

Yanis Dubois © Concours Messiaen

Force est de reconnaître que les quatre concerts de cette finale firent belle impression, chacun des candidats ayant opté pour un programme ambitieux, le plus souvent mené avec non seulement une endurance à toute épreuve mais aussi des qualités d'ores et déjà éprouvées. Coup de théâtre néanmoins lors de l'annonce des résultats par Olivier Latry. Désireux de faire de ce concours une épreuve d'excellence absolue, le jury (à l'évidence non unanime) a renoncé à décerner le Premier Prix (6000 €, Fondation de France) – la manifestation étant dotée de sept prix pour une dotation totale de 21 500 €uros. Avis toujours partagés dans ce cas de figure, d'aucuns approuvant le désir d'excellence, d'autres estimant, surtout pour une première édition, l'image ainsi renvoyée préjudiciable au concours lui-même.
 

Fanny Cousseau © Concours Messiaen

Le Deuxième Prix (4000 €, Fondation Marcelle et Robert de Lacour) a été attribué à Thomas Kientz (photo, 28 ans, France) – Brahms superbement fantasticus, Duruflé (dont une remarquable Toccata) ; le Troisième Prix (3000 €, Sacem) à Yanis Dubois (26 ans France) – Variations initiales de la Cinquième Symphonie de Widor toutes de panache et de risque, Deuxième Fantaisie de Jehan Alain d'une remarquable et prenante dramaturgie – lequel a également remporté le Prix pour la meilleure interprétation de l'œuvre nouvelle (3000 €, Fondation Francis et Mica Salabert) ; le Quatrième Prix (2500 €, Fondation philharmonique / Cercle des mécènes de l'Auditorium-Orchestre national de Lyon) à Fanny Cousseau (24 ans, France) – Paraphrase-Carillon de l'Office de l'Assomption de Tournemire d'une vive liberté rhapsodique, poétiques Alléluias sereins de L'Ascension de Messiaen, version la plus vibrante et dynamique de l'œuvre de Philippe Hersant, noble final de la Dixième Symphonie de Widor –, en plus du Prix pour la meilleure interprétation des œuvres d'Olivier Messiaen (2000 €, Fondation Olivier Messiaen).

Eszter Szedmák © Concours Messiaen

Quant au Prix du public (1000 €, Association pour la création et la diffusion artistique), il a été attribué à la Hongroise Eszter Szedmák, candidate la plus jeune (23 ans) qui ne pouvait qu'impressionner le public par un programme enchaînant à In exitu d'Hersant la Fantaisie et Fugue sur "Ad nos, ad salutarem undam" de Liszt (magnifiquement sans défaillance, mais sans parvenir à déployer toute la dramaturgie et l'éloquence potentielles d'un tel monument) puis Dieu parmi nous (La Nativité) de Messiaen.
 
Le lendemain après-midi était proposé un concert non pas des lauréats (comme un temps envisagé, semble-t-il – on imagine la surcharge de travail que cela aurait représenté pour les finalistes) mais de cinq membres du jury. Bach, Buxtehude et Mernier par Benoît Mernier ; Sixième Sonate "sur le Vater unser" (Notre Père) de Mendelssohn par Edgar Krapp ; impressionnant Prélude et fugue sur BACH de Liszt (version syncrétique orgue/piano de Jean Guillou) par Olivier Latry ; Jehan Alain et Messiaen par Thomas Lacôte, avec deux improvisations, l'une en forme de subtile et intangible transition entre les deux maîtres français, l'autre remarquable d'intuition créatrice d'un univers absolument singulier ; magistral Troisième Choral de César Franck par Liesbeth Schlumberger, virtuose et posée, nullement démonstrative mais d'une force ancrée dans l'écoulement du temps. Soit l'occasion d'entendre une fois encore la riche palette d'un instrument qui depuis 2013 revit pleinement et donne lieu à une programmation digne de ce nom (7).
 
Le lauréat du Concours Messiaen de Lyon devait par ailleurs être invité à donner un récital dans le cadre du Festival Messiaen de la Meije, le 31 juillet (8), aux claviers du fameux Kleuker de L'Alpe d'Huez, avec notamment au programme Accords tremblés de Michael Levinas, compositeur invité de cette édition 2019. Ce devrait être en définitive Thomas Lacôte qui donnera ce concert. Quant au Concours international Olivier Messiaen, il alternera orgue, piano et composition (orchestre), chaque discipline revenant donc tous les trois ans – avec peut-être une année blanche en 2020 ? À suivre avec infiniment d'intérêt.
 
Michel Roubinet

Lyon, Auditorium Maurice Ravel, 22 & 23 juin 2019
 
 www.auditorium-lyon.com/Programmation-18-19/Concours-Olivier-Messiaen
www.maisonmessiaen.com/concours-international-olivier-messiaen
 
 
(1) www.emmanuellepiaud.fr/orgue/
     www.bethines-les-orgues.com/portfolio/cathedrale-de-royan/
 
(2) www.c-royan.com/arts-culture/galerie-dart/expositions-et-musees/1964---1977-festival-international-d-art-contemporain/1538-la-genese-du-festival-et-ses-fondateurs.html
     www.c-royan.com/arts-culture/galerie-dart/expositions-et-musees/1964---1977-festival-international-d-art-contemporain/1481-histoire-d-un-festival.html
    www.musiquecontemporaine.fr/en/search?so=da&archiveIds=52
 
(3)  www.festival-messiaen.com/musique-classique.html
 
(4) www.kernpipeorgan.com/francais/lyon.htm
 
(5) www.concertclassic.com/article/trois-questions-claire-delamarche-conservatrice-de-lorgue-de-lauditorium-de-lyon-un-orgue
 
(6) www.concertclassic.com/article/thomas-lacote-la-trinite-royaumont-et-radio-france-le-printemps-aux-multiples-visages-dun
 
(7) http://www.auditorium-lyon.com/Programmation-19-20/Concerts/Orgue
 
(8) www.festival-messiaen.com/detail-concert-messiaen-fr/208-.html
 
 
Photo © Concours Messiaen

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