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Le Paris des Orgues - Qualité et diversité d'un festival en devenir - Compte-rendu
Le projet du Festival Le Paris des Orgues, audacieux dans une ville riche en associations et concerts d'orgue indépendants, nous avait été présenté, arguments à l'appui, par le président de l'association – 3 Questions à Jean-François Guipont (Lire l'article). Le désir est légitime de vouloir susciter une concertation entre les multiples intervenants du monde de l'orgue parisien (ainsi qu'une meilleure coordination des calendriers : on se souvient d'un cas extrême, il y a quelques années, où un même soir Notre-Dame, Saint-Eustache et Saint-Étienne-du-Mont affichaient trois grands noms) et de donner une visibilité à l'activité organistique de la capitale à travers un festival, enchaînement de temps forts sur trois ou trois quatre semaines – du 28 avril au 24 mai pour 2011. Dès cette « première édition » (précédée d'un galop d'essai en 2010), certains défis essentiels (dont la diversité) ont été brillamment relevés quand d'autres, inhérents à toute manifestation nouvellement créée (la médiatisation et son corollaire : la fréquentation, également le financement), sont nécessairement en devenir.
Qualité et diversité sont de fait au rendez-vous. Hormis le concert de clôture – Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris reçoit Jeremy Filsell –, un seul concert d'orgue solo était à l'affiche, mais quel concert ! Comme la plupart des rendez-vous 2011, il permit d'entendre les titulaires de l'instrument, en l'occurrence celui de Saint-Étienne-du-Mont (sur le point d'être démonté et nettoyé, avec le premier accord général depuis 1991 ! – financements, toujours) : Thierry Escaich et Vincent Warnier. Programme à la fois original (Danse macabre de Saint-Saëns transcrite par Lemare, un must de Warnier ; extraits de L'Oiseau de feu de Stravinski transcrit par Pincemaille – Escaich dans son élément : le rythme) et intentionnellement accessible (Liszt, Franck, Vierne), le tout couronné d'une improvisation d'Escaich : formidable et électrisante carte de visite de l'orgue solo, concert d'apparat donné, malheureusement, devant un public étonnamment restreint.
Rien de tel pour Bach & Vivaldi – concertos originaux et transcrits – par Vincent Rigot sur l'Aubertin de Saint-Louis-en-l'Île et l'Ensemble orchestral Le Palais royal dirigé par Jean-Philippe Sarcos – concert présenté par Gilles Cantagrel, pédagogue et orateur hors de pair. Est-ce l'occasion, rare, d'entendre orgue et orchestre dialoguer, ou la déjà vive « tradition » suscitée par l'irruption en 2004 de cet orgue d'esthétique singulière à Paris (XVIIIe siècle au sens large, très polyvalent) ?
La nef était comble et la prestation fut à juste titre acclamée. Où l'on put, notamment, ressentir combien le geste court du doigt sur la corde, source d'une vélocité phénoménale, demande au clavier un effort démultiplié rendant l'exploit de la transcription d'autant plus saisissant, avec changement d'échelle en termes de projection des timbres. Les pages pour clavier concertant transcrites pour orgue et orchestre, intégrées par Bach dans ses Cantates, ne furent pas conçues pour être jouées sur un grand instrument, ici naturellement éloigné de l'orchestre. Les difficultés extrêmes de synchronisation – parfois perceptibles comme pour mieux faire deviner la dimension épique d'un tel dialogue ! – furent vaillamment affrontées, la musique, sur la corde raide, y puisant une vie dans l'instant comme sur la durée tout simplement prodigieuse.
Deux jours plus tard, autour de l'orgue relevé de Saint-Louis-des-Invalides, était proposé un programme en partie plus intime : Sarabande pour orgue, quintette à cordes et timbales de Jehan Alain – incroyable présence, profitant d'une acoustique naturelle puissante et lumineuse, des cordes de la Garde Républicaine en tribune – mais aussi Azan pour flûte et orgue de Rolande Falcinelli (1977, créé aux Invalides), encadrés par deux monuments de Dupré et de Liszt et entrecoupés d'un hommage à Guilmant, centenaire de sa mort oblige. Aux claviers, tour à tour, deux des titulaires : Susan Landale (photo) et Philippe Brandeis. Concert d'une éloquence prenante, dans un lieu somptueux, pour un programme en définitive aussi « grand public » qu'exigeant un peu de curiosité : difficile de saisir les vraies raisons d'une affluence des petits soirs.
Le Festival est à mi-parcours : orgue et traitement informatique en temps réel, orgue de cinéma, orgue et opéra, sans oublier un concert-conférence autour de Jehan Alain et bien sûr le concert de clôture (Dupré et Vierne à Notre-Dame) sont au programme de la seconde partie. Après quoi cette saison sera passée au crible, dans l'espoir de découvrir le moyen de sensibiliser le public parisien tant au patrimoine organistique de sa ville qu'à la musique, entre autres, qu'il a suscitée – tâche complexe confiée à Benjamin François, désormais directeur artistique du Festival.
Michel Roubinet
Festival Le Paris des Orgues (28 avril – 24 mai 2011) : concerts des 3 (Saint-Étienne-du-Mont), 10 (Saint-Louis-en-l'Île) et 12 mai (Saint-Louis-des-Invalides) 2011.
www.orguesparis.fr/
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Photo : DR
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