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"Le Prix de l’Etoile" de François Alu – Trois grands tours et puis s’en va – Compte-rendu
C’est le cri du cœur, le cri du corps d’un écorché vif, sans doute la seule personnalité masculine vraiment flamboyante à avoir fait vibrer, et même faire lever les salles des opéras Garnier et Bastille depuis le départ de Nicolas Le Riche. Déjà on le remarquait au sein des spectacles de l’Ecole, puis ses bonds, ses envols, l’énergie folle qui se dégageait de ses apparitions firent que son image s’est imposée, au-delà des diktats académiques, des canons esthétiques. Certes pas le physique du prince réglementaire, mais quel ouragan ! Le public l’adorait. Pourtant, dévoré de questionnements, de souffrances diverses et en proie à une hostilité non déguisée de la part d’une institution très attachée à ses principes, le garçon qui se rêvait étoile a trop attendu, alors que tant d’autres danseurs moins frappants que lui, accédaient à la distinction suprême. Et lorsqu’enfin Aurélie Dupont, comprenant un peu tard qu’il était temps de le mettre sur orbite, s’est décidée à le propulser à l’issue d’une Bayadère historique, en avril 2022, le rêve s’était vidé, après douze années passées entre ces murs prestigieux, et si contraignants.
© Ann Ray - Opéra national de Paris
Comme le shérif qui jette son étoile dans les westerns, parce qu’il ne croit plus en la justice, Alu a donc renoncé à la carrière qui s’ouvrait à lui. Il s’en est allé, et a trouvé dans des spectacles libres, de son invention, et sur des écrans de télévision, un nouveau souffle qui l’apaise et lui va mieux, même s’il brille moins, et que le public s’ennuie sans lui. Le livre qu’il publie aujourd’hui éclaire sur une trajectoire hors normes, sur laquelle on s’est souvent interrogé, et montre la dureté, la solitude d’une éducation et d’une vie de danseur bloqué dans ses désirs de liberté expressive et dynamique. Et dévoile quelques failles de l’institution, la rêvant plus chaleureuse, plus humaine, plus inspirante, voire plus intelligente dans la transmission et la façon de la faire vivre.
Et comme le danseur, l’artiste, l’homme sont unis chez Alu en une synthèse très spéciale, il entrecoupe ses récits biographiques de pages oniriques, poétiques, où ce chercheur d’étoiles laisse librement aller son imaginaire, aussi allumé que ses entrechats. On le suit avec beaucoup de plaisir, car l’ouvrage et le personnage sont émouvants, à la fois ludiques et torturés, et qu’une grande bonté émerge de ces pages où l’artiste regrette de n’en avoir pas reçu davantage sur le lieu de ses premiers rêves, à l’exception de Brigitte Lefèvre, laquelle, malgré ses reproches, fut pour lui un soutien. « Être un rebelle discipliné », lui conseillait-elle. Mais il rend hommage à une famille aimante, qui ne l’a jamais lâché dans cette trajectoire de vie menée dans la douleur, et à trente ans, se réjouit d’avoir trouvé une sérénité, une liberté qui l’amènent à poser un regard moins critique sur ce qu’il a vécu, trouvant que, finalement, il a bien vécu. Son texte est comme lui, séduisant, absolu, touchant. Et sa plume alerte. Elle pirouette …
Jacqueline Thuilleux
Le Prix de l’Etoile, par François Alu. Ed. Robert Laffont (240 p., 19,90 €)
Photo © Editions Robert Laffont
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