« C’est un pic, c’est un cap, c’est une péninsule » ... Les mélomanes savent ce que représente l’écoute de l’œuvre monumentale que constituent les 16 quatuors de Beethoven. Allant d’une grâce mozartienne, puis d’une rondeur de terroir à l’envolée finale d’un esprit libéré des douleurs de la chair et des règles de toute sorte, pour créer une musique qui n’est qu’elle-même. Et il n’est nul besoin de dire qu’elle est prémonitoire des grandes révolutions du XXe siècle. Elle existe isolément et c’est bien assez.
 
Reste que pour ascensionner ces sommets, l’écoute en chambre, avec la pollution des menus soucis et bruits domestiques,  la difficulté de concentration due au quotidien, n’est pas toujours favorable à la compréhension de ces œuvres complexes, surtout pour les cinq derniers quatuors, sans parler de la suffocante Grande Fugue. Le musicologue Bernard Fournier nous y aide avec élégance, technicité sans étalage, affinement de la sensibilité, charme sans lyrisme déplacé. Bref c’est une bien bonne canne que nous offre ce passionné de Beethoven et de son incroyable musique de chambre, en sherpa qui se voudrait presque muet, après avoir donné les clefs. Paraphrasant Gide, ne dit-il pas «  jette ce livre, lorsque tu l’auras lu, et écoute de toutes tes oreilles » ? C’est la seule mauvaise idée de l’ouvrage …
 
Jacqueline Thuilleux

A l’écoute des Quatuors de Beethoven par  Bernard Fournier -
Buchet-Chastel 298 pages, 20 €