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L’Ensemble Zoroastre à l’Abbaye du Bec-Hellouin – Musique sous les voûtes – Compte-rendu
L’Ensemble Zoroastre à l’Abbaye du Bec-Hellouin – Musique sous les voûtes – Compte-rendu
« Vive Zoroastre », a lancé le père abbé en présentant le concert annuel que donne Savitri de Rochefort avec son ensemble vocal et instrumental en l’Abbaye du Bec-Hellouin (Normandie), où cette manifestation qui marque la fête de l’Ascension depuis six ans est devenue presque un rite. Et Dieu sait qu’ici le mot rite prend tout son sens ! Zoroastre, certes, car la vocation affirmée de l’abbaye aujourd’hui est de célébrer l’œcuménisme. Mais de feu, heureusement, point ! Car si le nom du prophète des parsis a inspiré celui de l’Ensemble, et surtout plusieurs fleurons du répertoire baroque et autre, de Rameau à Richard Strauss, il effleure peut-être aussi les origines restées mystérieuses de Savitri de Rochefort, recueillie en Inde par des sœurs et adoptée par un couple de français mélomanes. La vie de cette jeune femme, passionnée d’écriture musicale, de chant et aujourd’hui adonnée à la direction d’orchestre, outre son métier de professeur de musique dans un conservatoire parisien, peut donc se lire comme une action de grâces pour le monde qui l’a aidée à devenir une si belle missionnaire de la musique.
Vigueur, engagement total, effervescence, profondeur, telles sont les marques d’une direction qui en promet bien d’autres, car la fusion de la baguette de Savitri de Rochefort avec ses musiciens et ses choristes est telle que les petites imperfections d’une formation à géométrie variable et à manifestations temporaires passent totalement au second plan. Seul reste l’essentiel, évident tout au long de ce concert qui allait s’élevant, par le choix des musiques et la beauté de l’interprétation.
A souligner en premier l’excellence troublante du court Ave Maria du compositeur franco-suisse Jean-Christophe Rosaz (né en 1961), mariant des modulations étranges et d’une grande séduction. Le chœur, dirigé par Claude Massoz, complice de Savitri de Rochefort pour la direction des voix, rendait ainsi hommage à l’importance de la musique contemporaine, qui trouve souvent son sens bien plus dans la démarche sacrée que dans la laïque. Ce n’est pas par hasard que le plus grand opéra de la seconde moitié du XXe siècle est le Saint François de Messiaen.
Puis la Messe en sol majeur D 167 de Schubert. On s’autorise à dire que ce fruit des 17 ans d’un Schubert amoureux et en train de trouver une voie véritablement personnelle, n’est pas un chef-d’œuvre. Mais l’ouvrage diffuse une vraie robustesse d’expression, et son charme opère, même si les modulations se veulent sobres, ce qui la rend sans doute particulièrement difficile à cerner. Les interprètes y ont peu à peu trouvé leur dimension, leur élan.
Vigueur, engagement total, effervescence, profondeur, telles sont les marques d’une direction qui en promet bien d’autres, car la fusion de la baguette de Savitri de Rochefort avec ses musiciens et ses choristes est telle que les petites imperfections d’une formation à géométrie variable et à manifestations temporaires passent totalement au second plan. Seul reste l’essentiel, évident tout au long de ce concert qui allait s’élevant, par le choix des musiques et la beauté de l’interprétation.
A souligner en premier l’excellence troublante du court Ave Maria du compositeur franco-suisse Jean-Christophe Rosaz (né en 1961), mariant des modulations étranges et d’une grande séduction. Le chœur, dirigé par Claude Massoz, complice de Savitri de Rochefort pour la direction des voix, rendait ainsi hommage à l’importance de la musique contemporaine, qui trouve souvent son sens bien plus dans la démarche sacrée que dans la laïque. Ce n’est pas par hasard que le plus grand opéra de la seconde moitié du XXe siècle est le Saint François de Messiaen.
Puis la Messe en sol majeur D 167 de Schubert. On s’autorise à dire que ce fruit des 17 ans d’un Schubert amoureux et en train de trouver une voie véritablement personnelle, n’est pas un chef-d’œuvre. Mais l’ouvrage diffuse une vraie robustesse d’expression, et son charme opère, même si les modulations se veulent sobres, ce qui la rend sans doute particulièrement difficile à cerner. Les interprètes y ont peu à peu trouvé leur dimension, leur élan.
© Caroline Prévost
Venait Mozart, et deux de ses pièces les plus éclatantes: l’Exultate Jubilate KV 165 et les Vêpres solennelles d’un Confesseur KV 339. Savitri de Rochefort y a lancé ses forces avec une maîtrise des volumes admirable, d’autant plus à saluer que les lieux ajoutent à leur sobre beauté une acoustique qui ne l’est guère et dont la résonnance n’autorise pas le moindre faux pas. Pour l’Exultate Jubilate, elle a eu la chance d’avoir une interprète d’exception, la soprano Angeline Le Ray, qui arpentait l’échelle de ces redoutables vocalises avec une facilité et un éclat irrésistibles. Ensuite montée en puissance avec les Vêpres d’un Confesseur, où les instruments, chauffés à blanc, pimentés des glorieuses timbales, et les chœurs vigoureux faisaient rayonner cette musique éblouissante, qu’on qualifie parfois de pompeuse et mondaine et qui est surtout somptueuse. Jusqu’au moment de grâce ineffable du Laudate Dominum, auquel est seul comparable le Kyrie du Requiem, et pour lequel la soprano Cécile Duroussaud diffusait les couleurs et les volutes délicates et fleuries d’une voix qui devrait être plus connue dans la sphère musicale.
Autour d’elle, en parfaits répondants, la clarté expressive de Marcela Perez Landa, les interventions puissantes de Richard Golian et de Linfeng Zhu, et dans les intervalles, la voix prophétique de Bruno Putzulu, en maître des psaumes. Bien élevé et connaisseur, le public n’a pourtant pu s’empêcher de réagir après le Laudate Dominum, tant l’émotion et l’admiration étaient vives. Laudate qui fut bissé !
Tout semble prêt pour la grande offensive que Savitri de Rochefort s’apprête à lancer l’an prochain en montant Les Noces de Figaro avec l’aide du metteur en scène Alexandre Camerlo et sous l’aile d’une icône du chant français, Jane Berbié, qui découvrit sa voix de soprano colorature, avant qu’elle ne prenne le tournant de la direction d’orchestre. Le château d’Harcourt en sera le théâtre ainsi que d’autres beaux lieux de la région, les jardins de l’Abbaye du Bec-Hellouin sans doute aussi. Et l’opération sera soutenue par plusieurs instances régionales, très intéressées par l’entreprise. Zoroastre lancera encore tous ses feux.
Jacqueline Thuilleux
Venait Mozart, et deux de ses pièces les plus éclatantes: l’Exultate Jubilate KV 165 et les Vêpres solennelles d’un Confesseur KV 339. Savitri de Rochefort y a lancé ses forces avec une maîtrise des volumes admirable, d’autant plus à saluer que les lieux ajoutent à leur sobre beauté une acoustique qui ne l’est guère et dont la résonnance n’autorise pas le moindre faux pas. Pour l’Exultate Jubilate, elle a eu la chance d’avoir une interprète d’exception, la soprano Angeline Le Ray, qui arpentait l’échelle de ces redoutables vocalises avec une facilité et un éclat irrésistibles. Ensuite montée en puissance avec les Vêpres d’un Confesseur, où les instruments, chauffés à blanc, pimentés des glorieuses timbales, et les chœurs vigoureux faisaient rayonner cette musique éblouissante, qu’on qualifie parfois de pompeuse et mondaine et qui est surtout somptueuse. Jusqu’au moment de grâce ineffable du Laudate Dominum, auquel est seul comparable le Kyrie du Requiem, et pour lequel la soprano Cécile Duroussaud diffusait les couleurs et les volutes délicates et fleuries d’une voix qui devrait être plus connue dans la sphère musicale.
Autour d’elle, en parfaits répondants, la clarté expressive de Marcela Perez Landa, les interventions puissantes de Richard Golian et de Linfeng Zhu, et dans les intervalles, la voix prophétique de Bruno Putzulu, en maître des psaumes. Bien élevé et connaisseur, le public n’a pourtant pu s’empêcher de réagir après le Laudate Dominum, tant l’émotion et l’admiration étaient vives. Laudate qui fut bissé !
Tout semble prêt pour la grande offensive que Savitri de Rochefort s’apprête à lancer l’an prochain en montant Les Noces de Figaro avec l’aide du metteur en scène Alexandre Camerlo et sous l’aile d’une icône du chant français, Jane Berbié, qui découvrit sa voix de soprano colorature, avant qu’elle ne prenne le tournant de la direction d’orchestre. Le château d’Harcourt en sera le théâtre ainsi que d’autres beaux lieux de la région, les jardins de l’Abbaye du Bec-Hellouin sans doute aussi. Et l’opération sera soutenue par plusieurs instances régionales, très intéressées par l’entreprise. Zoroastre lancera encore tous ses feux.
Jacqueline Thuilleux
Abbaye du Bec-Hellouin, 31 mai 2019 / Prochain concert de l’Ensemble Zoroastre, Paris, église Saint-Louis en l’Île, 15 novembre 2019. www.ensemble-zoroastre.fr
Photo © Caroline Prévost
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