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Les Apaches à l’Athénée – Dialogue du répertoire et de la création
Du talent ... et de la curiosité ! Le public du théâtre de l’Athénée a déjà eu l’occasion d’applaudir Julien Masmondet, fin 2016, dans une remarquable production de L’Île du rêve de Reynaldo Hahn, partition qu’il a véritablement fait renaître.(1) Plus récemment, en juin 2018, c’est avec Manga Café (en création) et Trouble in Tahiti qu’il s’est distingué. Lui et ... Les Apaches ! Cet ensemble de jeunes instrumentistes (photo), à géométrie variable, portait déjà ce nom lors du réjouissant doublé Zavaro/Bernstein(2), mais c’est véritablement aujourd’hui que les choses commencent de manière officielle, avec une première saison – et tandis que Les Apaches sont en résidence à Fondation Singer Polignac depuis le mois de juillet dernier.
Réunir de artistes venus d’horizons différents
Les Apaches ? On se souvient du groupe d’artistes – musiciens, poètes, plasticiens – regroupés autour de Ravel durant les premières années du dernier siècle (Maurice Delage, Léon-Paul Fargue, Désiré-Emile Ingelbrecht, Tristan Klingsor, Paul Sordes, Albert Roussel, Igor Stravinski, Ricardo Viñes, etc.). Le surnom de nos parfois turbulents jeunes gens avait été trouvé par un marchand de journaux, faisant référence à une bande voyous qui défraya la chronique à la Belle Epoque. « En tant que chef, j’ai toujours été attiré par le côté collaboratif, par la réunion non seulement de musiciens, mais aussi de compositeurs et d’artistes venus d’horizons différents, confie J. Masmondet ».
La création en lien avec le répertoire
Passionné par cet âge d’or de la musique française que constituent les premières années du XXe siècle, le chef ne pouvait que se référer aux Apaches dont « les œuvres sont le fruit des différentes influences qu’ils pouvaient avoir l’un sur l’autre. » Rencontres, dialogue, influences, absence de cloisonnement entre les catégories artistiques : ce fructueux exemple de croisement des arts inspire Julien Masmondet et ses amis musiciens – dont le compositeur Pascal Zavaro, co-fondateur de l’ensemble – pour un projet qui vise à « favoriser la création contemporaine en lien avec le répertoire ; le véritable ADN des Apaches.»
Renouveler les formes du concert
Soirée-manifeste, le concert du 23 janvier à l’Athénée résume cette philosophie et l’on ne s’étonne pas que Patrice Martinet, directeur du théâtre, l’accueille avec enthousiasme. Après avoir beaucoup réfléchi, dialogué aussi avec des compositeurs tels que Philippe Hersant ou Thierry Escaich, J. Masmondet et P. Zavaro ont fait le choix de trois compositeurs représentatifs de la jeune génération : Fabien Touchard, Jules Matton et Fabien Cali. De jeunes créateurs déjà reconnus, expérimentés. Et compatibles avec l’esprit des Apaches : «Nous cherchions des compositeurs capables de dialoguer avec des artistes venus d’horizons différents, tels que le comédien Didier Sandre ou l’écrivain Mathias Enard, précise J. Masmondet. Le dessein des Apaches est aussi de « s’interroger sur un renouvellement des formes du concert, pour aller à la recherche d’un nouveau public. ». Il ne faudra pas compter sur eux – on s’en félicite par avance ! – pour des formats traditionnels du genre ouverture-concerto-symphonie, le concert présentant forcément à leurs yeux « un caractère pluridisciplinaire, toujours avec une scénographie» – les graphistes Casilda Desazars et Bernard Martinez seront à l’œuvre le 23.
Souvenir du 14 janvier 1914
Dialogue d’hier et d’aujourd’hui : J. Masmondet s’est souvenu du concert des Apaches à la SMI (Société Musicale Indépendante), le 14 janvier 1914, pour concevoir l’original et très généreux programme que l’on découvrira bientôt. La première partie tient lieu de prélude chambriste : le Quatuor des Apaches interprétera en effet le Quatuor de Ravel, Ludions de Satie (avec le baryton Laurent Deleuil) et, en création mondiale, La réunion des Apaches de Pascal Zavaro.
Après la pause, Les Apaches se retrouveront en plus large effectif (avec la mezzo Fiona McGown et Didier Sandre en récitant) pour les Trois poèmes de Mallarmé de Ravel, les Trois poésies de la lyrique japonaise de Stravinski et les Quatre poèmes hindous de Delage, des partitions créées le 14 janvier 1914, qui précéderont trois créations : Yasilum de Fabien Touchard, Boire à Lisbonne de Jules Matton et Matière de la Steppe de Fabien Cali. Ces trois commandes de l’ensemble s’appuient sur des textes tirés d’un recueil peu connu de Mathias Enard : Dernière communication de la société proustienne de Barcelone. J. Masmondet s’avoue « très attaché à l’écriture sensible et musicale de l’auteur, à son goût pour le voyage » et il a proposé aux jeunes compositeurs d’y ancrer leur inspiration. Chacun a fait son choix parmi de courts textes poétiques nourris des pérégrinations de l’écrivain. Les partitions qui en sont nées seront données d’affilée ; elles « formeront presque une œuvre collective, à l’image de notre démarche, note J. Masmondet. »
La Tragédie de Salomé de Florent Schmitt en version originale
Mais un autre rendez-vous attend le public de l’Athénée, au printemps, autour d’un Apache célèbre : Florent Schmitt. On sait gré à J. Masmondet de s’être souvenu, en cette année du 150e anniversaire de la naissance du compositeur, de l’existence de la version originale de la Tragédie de Salomé. La mouture pour grand orchestre de cette dernière est l’une des réalisations les plus célèbres de Schmitt, ce fort justement, mais on méconnaît en général totalement la première version de 1907, créée la même année à Paris sous la baguette d’Ingelbrecht, qui accompagnait un spectacle monté à l’instigation de la danseuse américaine Loïe Fuller (1869-1928). Julien Masmondet a été conquis par une version originale « qui montre le génie d’orchestrateur de Schmitt, capable de faire sonner un ensemble de vingt musiciens comme un grand orchestre. »
La Tragédie de Salomé occupera nos Apaches, le 28 mai prochain, accompagnée d’une création vidéo de Cyril Teste et Patrick Laffont-Delojo (réalisée avec le concours de la danseuse contemporaine Léonore Zurflüh), et précédée d’un Prélude spécialement composé par Fabien Touchard. Un beau projet qui aura mûri dans le cadre de « L’Incubateur » de la Fondation Royaumont et dont Concertclassic ne manquera pas de vous parler le moment venu. Notez-le dès à présent dans vos agendas !
Alain Cochard
(Entretien avec Julien Masmondet réalisé le 18 décembre 2019)
(1) L'Île du rêve :
www.concertclassic.com/article/lile-du-reve-de-reynaldo-hahn-lathenee-reve-accompli
www.concertclassic.com/article/lile-du-reve-de-reynaldo-hahn-au-theatre-de-lathenee-charmeuse-et-secrete-idylle-compte
(2) Manga Café / Trouble in Tahiti : www.concertclassic.com/article/manga-cafe-trouble-tahiti-au-theatre-de-lathenee-une-rejouissante-energie-compte-rendu
« Attention les Apaches ! »
Œuvres de Ravel, Satie, Zavaro, Stravinsi, Delage, Touchard, Matton, Cali
Les Apaches, dir. Julien Masmondet. Avec Laurent Deleuil(bar.), Fiona McGown (mezzo),Thomas Palmer (piano), Damien Pouvreau (luth), Didier Sandre (récitant)
23 janvier 2020 – 20h
Paris – Théâtre de l’Athénée
www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/attention_les_apaches_.htm
28 mai 2020 : Schmitt : La Tragédie de Salomé (version originale) : www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/la_tragedie_de_salome.htm
Photo © Odile Motelet
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