Ainsi que rappelé il y a peu dans nos colonnes (1), Les Fâcheux figurent la toute première comédie-ballet de l’histoire de ce genre lyrico-théâtral. La pièce de Molière s’agrémente ainsi de musique, composée par Pierre Beauchamps (1636-1705), par ailleurs chorégraphe et maître de ballet attitré de la cour de Louis XIV ; musique uniquement instrumentale, sans voix chantée – qui sera pourtant par la suite l’un des attributs du style et du genre de la comédie-ballet (chez Lully notamment). Une manière de théâtre avec musique de scène. La partition a été mise au point et récemment éditée par le Centre de musique baroque de Versailles, par les soins de Matthieu Franchin (dans le cadre de l’Année Molière). A la Maison de la Radio, le public emplit jusqu’au dernier strapontin le Studio 104 pour un concert-spectacle gratuit qui voit le retour de l’œuvre dans son état originel de 1661.
 

 Jérome Van Waerbeke (au centre) © Morgane Vie
 
L’effet de mise en scène se limite à une direction d’acteurs placés au-devant du plateau et devant des musiciens. Vincent Tavernier règle donc les interventions parlées du texte de Molière, à la charge des membres de sa compagnie Les Malins plaisirs. On assiste ainsi à des diatribes lancées avec feu par les neuf comédiens, se démenant à qui mieux-mieux pour planter les personnages de ces mésaventures qui voient Éraste (fringant Olivier Berhault), dans la quête de sa promise en butte aux embuches et interpositions saugrenues d’importuns (les fâcheux en question). Un jeu théâtral emporté, quand bien même il ne bénéficie pas d’autre support scénique.
 

Bertrand Cuiller © Morgane Vie
 
La musique se distribue pour sa part en séquences, destinées à des intermèdes dansés ponctuant les passages parlés. Une partition séduisante, sans être éblouissante ni forcément très originale, mais bien enlevée et dansante comme il se doit. Elle est restituée (sans chorégraphie ni danseurs) avec élan, sous la battue attentive de Bertrand Cuiller, par les composants de son Caravansérail, complété de l’ensemble Volez Zéphyrs, une quinzaine de jeunes artistes recrutés par le programme d’insertion professionnelle du CMBV (coproducteur du spectacle avec France Musique).

La trentaine d’instrumentistes se montre à la hauteur de l’enjeu, avec violonistes (dessus, tailles, quintes) tous debout, dans une ardeur à laquelle n’est pas étranger l’allant quasi dansant imprimé par le premier violon Jérôme Van Waerbeke. Et le public d’applaudir à tout rompre l’œuvre ainsi revivifiée. D’autant que Clément Rochefort, présentateur de France Musique, intervient à bon escient, pour commenter en compagnie des intervenants avec des explications appropriées (compensant l’absence de tout programme de salle !). Une heureuse découverte dont les ondes de France Musique se feront l’écho le 13 décembre prochain.
 
Pierre-René Serna