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Lyon - Compte-rendu : Clémence incertaine
Tiens, Lavaudant voit La Clemenza en comédie et mélange les époques : Tito est vaguement Rome antique, Vitellia sortirait plutôt d’un rush de Fellini. Etrange. Evidemment l’ironie fine mise ici vise à une certaine distanciation qui renvoie Vitellia à son statut d’intrigante frustrée et veut transformer la bonté de Tito en pusillanimité ; d’ailleurs pour enfoncer le clou Lavaudant le montre accompagné de son ours en peluche, couronné et cravaté. Tito, un empereur enfant ? Mais pourtant les enfants sont réputés méchants et rancuniers.
Comment interpréter, qu’y voir, surtout qui croire : Mozart pour qui probablement Tito est un proche parent de Sarastro, tous deux sont doués pour le pardon en effet, où Lavaudant qui souligne par cette interprétation que La Clemenza fut un opéra de commande troussé sur un livret déjà illustré par toute une théorie de compositeurs – parmi eux Gluck qui laissa sur ce canevas un bel ouvrage - et dont le seul but était de louer la puissance magnanime des tyrans ?
La musique de Mozart répond que non, décidément, rien ici n’est ironie, et si on l’écoute attentivement elle ne cesse de produire des hiatus considérables avec la mise en scène. Pire, le caractère central qu’est Sesto devient sous cet œil scrupuleusement cynique le dindon de la farce, son personnage ne tient plus, on se demande bien pourquoi Mozart lui a écrit des musiques si senties.
Passons, la musique justement s’émancipait de ces contingences, grâce à quelques interprétations majeures. On peut ne pas aimer les registres disparates et la voix percutante d’Alexandrina Pendatchanska, elle est pourtant bien l’une des plus vraies Vitellia de sa génération et pas seulement en terme d’excellence vocale – son grave est assis, sonore, ses aigus dardés mais sans acidité, le médium admirablement plein, la vocalise alerte ; elle dessine un personnage tout en ambiguïtés, et cerne avec finesse le travail de Lavaudant pour faire exister par-delà les limites qu’il lui impose un vrai destin.
Ann Hallenberg dessine elle aussi avec grâce et subtilité un Sesto assez inoubliable : chant sculpté, timbre profond, lignes et vocalises parfaites, elle ne fait pourtant pas encore assez vivre les mots ce qui l’empêche de retrouver l’élan, la flamme qu’y met aujourd’hui Joyce DiDonato, mais cette réserve est accessoire.
On pourra vivre sans le Tito captif de timbre d’Andrew Kennedy, où le métier s’entend sans cesse pour mieux courir en vain après l’inspiration. Servilia pâlotte, anonyme de Judith van Wanroij, Annio exemplaire, engagé, de Renata Pokupic, qui sera demain, c’est certain, un grand Sesto, et l’on rendait les armes devant le Publio noble, hautain, de Nicolas Testé, Masetto hier, mais aujourd’hui déjà, par le timbre, la profondeur des harmoniques, la stature, l’autorité naturelle d’un Don Giovanni.
On espérait beaucoup de Jérémie Rhorer. Son Mozart subtilement dosé et phrasé, dessiné avec finesse, dit, articulé, entendu parfaitement avec le plateau avait le souci de s’accorder au projet de la mise en scène. Il lui aura donc manqué l’émotion et la verve lyrique, mais tout son métier aura paru.
Jean-Charles Hoffelé
Wolfgang Amadeus Mozart, La Clemenza di Tito - Opéra de Lyon le 11 octobre, puis les 13, 15, 17, 19, 21, 23 et 25 octobre 2008
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