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Macbeth de Verdi à Genève - Macbeth goes to Hollywood - Compte-rendu
Habitué du Grand Théâtre de Genève - souvent pour le pire -, le metteur en scène Christof Loy a au moins le mérite de se renouveler avec ce Macbeth. Fini les hangars désaffectés, néons et autres gimmicks du Regietheater qui gâchaient notamment sa production des Vêpres siciliennes. Cette fois, il a fait appel à un nouveau collaborateur, Jonas Dahlberg, composant un immense décor gothique à la façon du cinéma hollywoodien des années 40, surplombé par deux grands vases blanchis de chaque côté de la scène. Une gigantesque salle de château qui n'aurait pas dépareillé dans Citizen Kane, magnifiée par les lumières en clair-obscur de Bernd Purkrabek. L'ouverture, réglée sur le pas de Lady Macbeth franchissant les voiles du château depuis l'immense escalier en fond de scène, se déroule comme un rêve fantasmagorique, anticipant intelligemment la scène du somnambulisme du dernier acte. L'espace scénique permet à Christof Loy de déployer tout son talent de directeur d'acteurs pour utiliser les choeurs comme une horde de chauves-souris en noir et gris auxquelles sont judicieusement mêlées les sorcières. Toutes les scènes de foule sont des plus réussies, depuis le choeur dansé annonçant la mort de Banquo jusqu'au poignant « Patria Opressa » au début du quatrième acte, un des sommets de la partition.
Les Choeurs du Grand Théâtre, dirigés par Ching-Lien Wu, touchent ici au sublime, aussi à l'aise dans les séquences rythmiques et dansées que dans les envolées mélodramatiques. Face à eux, la Lady Macbeth de Jennifer Larmore ne manque ni de superbe ni de maîtrise vocale, notamment dans la scène du banquet. Mais elle semble trop souvent chanter Verdi comme un exercice de bel canto, trop lisse, fantomatique pour le coup, manquant sévèrement de théâtralité comme de duplicité. Heureusement, la maestria de Franco Vassalo (venu remplacer Davide Damiani dans le rôle-titre) fait passer tous les tourments intérieurs de son personnage, avec une puissance et un panache qui laissent pantois. Baryton verdien par excellence, il reprendra le rôle à la Scala au printemps prochain sous la direction de Valery Gergiev. Le reste du casting masculin est à l'avenant, Andrea Carè campant un Macduff aussi juvénile que fébrile à la projection impressionnante, tout comme le Banquo exceptionnel de musicalité de Christian Van Horn, autre grande voix de la soirée.
Une belle production, donc, portée de bout en bout par un Orchestre de la Suisse Romande à son meilleur. Attendu pour diriger le Ring la saison prochaine, Ingo Metzmacher connaît son Verdi sur le bout des doigts. Il soigne les climats et les contrastes, en restant toujours attentif aux chanteurs, et rend à merveille cette nervosité particulière propre au compositeur italien. Macbeth n'a pas encore le sens tragique des derniers opéras du maître, mais s'y déroule déjà une forme de jouissance du drame, non dénuée d'ironie, qui en fait la saveur particulière, comme si l'expressionnisme de l'orchestre s'acquérait souvent à rebours des situations du livret. Jamais là où on l'attend, Macbeth est une bizarrerie funèbre où Verdi se joue des genres, ce que reflète parfaitement cette production gothique ni tout à fait au premier degré, ni tout à fait au deuxième. Un Macbeth au premier degré et demi en somme, qui traduit parfaitement les premiers pas de Verdi chez Shakespeare. Une réussite.
Luc Hernandez
Verdi : Macbeth – Genève, Grand Théâtre, 24 juin 2012
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Photo : DR
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