2012, année Massenet ? La Grande Boutique répond oui, mais sans risques : ce ne sera pas le subtil Chérubin, ce ne sera pas la surprenante Ariane, mais après Werther la saison passée - et quel Werther ! - Manon. On râle un peu mais seulement pour la forme, car Manon reste malgré Werther le vrai chef-d’œuvre de Massenet, français jusqu’au bout des ongles, par le sujet, le lieu, le côté roman feuilleton, l’époque, l’imaginaire sonore qu’il instille plus d’une fois dans un orchestre tour à tour éclatant ou intime, et jusque dans son ton discursif, celui de la vraie conversation et pas seulement dans la scène d’ouverture à l’auberge d’Amiens. On ne remarque jamais à quel point dans Manon la parole se mêle de musique, impose son tactus jusqu’à bouler l’action. Pour un rêve de des Grieux, combien d’élans, d’embardées, d’à-côtés, d’interjections !

Bastille met les petits plats dans les grands. Nouvelle production : on avoue attendre autant de Coline Serreau, lectrice et écouteuse subtile dont les mises en scènes trouvent toujours le ton juste, l’exact propos, sans jamais s’inscrire contre la musique, que des décors de Jean-Marc Stehlé et d’Antoine Fontaine, nos magiciens favoris. Comment nous montreront-ils la chambre, le Cours-la-Reine, Saint-Sulpice, la salle de jeu de l’Hôtel de Transylvanie, la route du Havre ?

Tous n’auront d’yeux que pour la Manon de Natalie Dessay, mais la surprise risque bien de venir du des Grieux de Giuseppe Filianoti (photo). Très belle compagnie de chant : on se régale déjà des quelques mots de l’Aubergiste de Christian Tréguier, on guettera Luca Lombardo qui se frottera au souvenir inénarrable du Guillot de Morfontaine selon Sénéchal. Ferrari en Lescaut, Paul Gay en Père des Grieux, André Heyboer pour Brétigny, cela promet du style, de l’éclat. Et Evelino Pido devrait enlever le tout sur les pointes ; condition essentielle à une Manon réussie, que l’orchestre lui soit léger et poète avant tout.

Jean-Charles Hoffelé

Massenet : Manon
Paris, Opéra Bastille, les 10, 14, 18, 22, 25, 28 janvier et les 2, 5, 10 et 13 février 2012 www.operadeparis.fr

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Photo : Helge Kirchlager