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Médée de Cherubini à l’Opéra de Dijon – Une trop sage Médée – Compte-rendu
Pris de tremblements au début de son premier duo avec Médée, Avi Klemberg (Jason) annonçait, à la surprise générale, qu’il devait quitter le plateau. Il ne s’agissait évidemment pas d’une trouvaille scénique censée pimenter la lecture soignée de Jean-Yves Ruf, puisque vingt minutes plus tard, le spectacle recommençait à partir du second acte, pour permettre au ténor de se remettre et de reprendre le cours de la représentation.
La figure de Médée n’en finit pas de fasciner et celle mise en musique par Cherubini en 1797 continue d’inspirer metteurs en scène et chefs. Après le brûlot Warlikowski/Rousset défendu par la saisissante Nadja Michael, celle du duo Loy/Letonja tenue la saison dernière par Alexandra Deshorties à Genève, l’Opéra de Dijon a fait confiance au duo Jean-Yves Ruf/Nicolas Krüger.
Moins de musique, plus de textes, certes intelligemment retravaillés mais parfois trop présents, d’autant qu’ils sont accompagnés par des cordes oppressantes (un ajout conçu par Jean-Damien Ratel en collaboration avec le compositeur David Jackson) et amplifiés ; tel était le cocktail dijonnais. A la tête d’un Orchestre Dijon-Bourgogne plein de vitalité, Nicolas Krüger dirige la partition, située à la charnière de deux époques mais déjà en avance sur son temps, avec une tranquille assurance et de belles intuitions.
© Gilles Abegg / Opéra de Dijon
Conscient des exigences vocales et des limites de sa distribution, le chef ne se contente pas d’alléger le tissu orchestral, il soutient chaque artiste et l’entoure de mille attentions bienveillantes. Et heureusement, car la Médée de Tineke van Ingelgem n’a pas les moyens du rôle : si les effort sont réels et l’implication touchante pour tenter d’incarner ce personnage de magicienne, aussi effrayant qu’attirant, la voix bien trop légère de la chanteuse ne donne qu’un pâle reflet du profil attendu. Privée de projection, de couleur, de graves solides et d’aigus percutants, les incantations de la fille du roi de Colchide, face aux Erynies (acte 3) n’impressionnent pas, tandis que les moments de tendresse ou de sensualité paraissent bien trop sages. Si la jeune femme ne trébuche pas sur les passages parlés – dits dans un français compréhensible – elle n’a pas non plus l’étoffe d’une tragédienne ou, comme c’était le cas avec Nadja Michael, un tempérament d’artiste singulier capable de transformer la scène en une arène où s’abattent l’orage et l’incendie.
Malgré son malaise, le Jason d’Avi Klemberg, pétri de remords, est plutôt satisfaisant, tout comme sa promise Dircé, la fraîche Magali Arnault Stanczak, le baryton Frédéric Goncalves offrant un portrait convaincant de Créon ; seule ombre au tableau, la bien mauvaise Néris de la mezzo Yete Queiroz qui expédie son magnifique aria « Ah ! nos peines » du second acte.
Modernisé et joliment accessoirisé, le drame situé dans un austère palais magnifiquement éclairé par Christian Dubet, est traité avec une évidente élégance, des préparatifs du mariage autour des bains rituels (1er acte), aux noces fatales de Dircé et Jason (final du 2), mais la réserve et le chic de cette vision aseptisée, éloignent tout de même le propos de son incroyable barbarie.
François Lesueur
Cherubini : Médée – Dijon, Auditorium, 21 mai 2016
Photo © Gilles Abegg – Opéra de Dijon
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