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« Musiques au temps de Saint-Louis » par l’Ensemble vocal Notre-Dame de Paris – Fresque musicale – Compte-rendu
« Hello ! Do you know where is the Cathédrale Notre-Dame ? » m’apostrophe une aimable dame, à la sortie du métro. Difficile de rater les deux tours surplombant le centre de Paris ; nous nous dirigeons promptement dans leur direction sous une pluie battante. Elle s’appelle Roberta, réside à Washington, et vient assister à un concert à la cathédrale comme les centaines de personnes qui font la queue ce soir-là devant l'édifice pour entendre un programme « Musiques au temps de Saint-Louis ».
Concepteur de la soirée, Sylvain Dieudonné a construit, par l’enchaînement subtil de courts textes et de 22 morceaux de genres différents, une véritable « fresque musicale » de la vie de Saint-Louis. Huit chanteurs et quatre musiciens seulement : l’atmosphère médiévale est restituée, du chant grégorien le plus austère aux danses sautillantes de la cour, en passant par les chants des trouvères et troubadours. Quatre voix aiguës (un homme et trois femmes) entonnent d’abord un motet à trois voix, alternant latin et ancien français, Et gaudebit / El mois d’avril, polyphonie savante et sensuelle à la fois. Le son tournoie sous la voûte. Les unissons sont parfaits.
S. Dieudonné s’est spécialisé dans le répertoire médiéval. Sa main droite virevolte au rythme et à l’intonation des mélismes avec une virtuosité stupéfiante. L’observer à l’œuvre avec ses chanteurs est fascinant ; la main vibre au son des voix pures et résonantes dans l’immense nef. Une cloche retentit ; annonçant chaque morceau, l’instrument à note unique servira également à donner le ton aux chanteurs ! D’abord lointain, un chant grégorien est entonné avec plénitude et recueillement : Exaudivit de templo (Introït du jour des litanies majeures). La musique se rapproche peu à peu ; quatre chanteurs s’avancent dans la travée, figurant une procession majestueuse et spirituelle à la fois.
Le chef mène le groupe vocal devant l’autel puis dirige de profil. Pendant que le récitant, placé côté jardin, résume en quelques phrases, les épisodes de la vie de Saint-Louis, des instrumentistes s’installent discrètement et le public découvre, comme par magie, une sorte tableau vivant. Trois instruments s’accordent, la flûte à bec encadrée par la vièle à archet et une harpe gothique (tenue par Bérengère Sardin). Polyvalent, S. Dieudonné se transforme alors en viéliste et accorde son instrument. La harpe lui répond avec quelques arpèges légers.
Soudain, le chant envoûtant de la flûte de Solène Riot s’élève, soutenu par les cordes et portée par l’acoustique de la cathédrale. Par une Chanson à la vierge (« On doit la mère Dieu honorer… »), la mezzo Anaïs Bertrand captive alors l’assistance - son timbre rond et chaleureux rappelle celui de Brigitte Lesne. Le public peut lire, dans le programme détaillé, toutes les paroles des chansons, alternées avec celles du récitant, utilement traduites en français (quand il s’agit d’ancien français ou de latin) et en anglais (pour les nombreux touristes), l’acoustique du lieu ne permettant guère de comprendre le texte chanté. Pour illustrer le mariage de Saint-Louis, le sopraniste Raphael Mas, également percussionniste, exécute sur son tambour un rythme virtuose pendant que son pied droit, armé de cymbalettes, scande la pulsation. Véritable homme-orchestre, il interprète la chanson Vos que’m semblatz. Les pièces instrumentales que l’on découvre sont toutes ternaires – c’était la règle à l’époque. Le public tapote du pied avec entrain !
Les voix travaillées des membres de l’Ensemble vocal Notre-Dame de Paris ne se sont pas toutes révélées de même niveau. Les deux sopranos, au timbre léger et clair, sont un peu tendues dans leur duo, tout comme un ténor et un baryton qui peinent dans leurs parties solistes. Des réserves mineures toutefois au terme d’une soirée originale et de grande qualité qui a su rendre le répertoire médiéval aussi vivant et accessible qu’émouvant.
Joëlle Marmande
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