La fin de saison 17/18 aura été riche pour Nora Gubisch (photo) avec, entre autres, une première Waltraute dans le Crépuscule des dieux dirigé par Adam Fischer à la Staatsoper de Vienne en avril, et, plus récemment, Judith dan le Château de Barbe-Bleue à la Monnaie, qui aura donné l’occasion à la mezzo de travailler en famille, sous la baguette d’Alain Altinoglu, son mari, avant de poursuivre avec la 9^ème Symphonie de Beethoven, à Bruxelles et au Festival de Rheingau, dans le cadre d’un projet réunissant l’Orchestre de la Monnaie et l’Orchestre national de Belgique.
 
Une sorte de Cassandre
La fidélité du Festival de Radio France envers N. Gubisch – ce depuis l’époque de René Koering – n’est plus à démontrer. Après les rôles-titres dans Thérèse de Massenet (en 2012) et La Vivandière de Godard/Vidal (en 2013), celui de Jeanne dans La Jacquerie de Lalo/Coquard (en 2015), la chanteuse est de retour dans la capitale languedocienne cet été à l’occasion de la recréation le 21 juillet, sous l’excellente baguette de Michael Schønwandt, de Kassya, opéra en quatre actes (sur un livret de Meilhac et Gille) laissé inachevé par Léo Delibes et que Jules Massenet se chargea d’orchestrer après la disparition de son collègue en 1891.
 
Le rôle est cette fois bien plus modeste que ceux que N. Gubisch a eu précédemment l’occasion de défendre à l’Opéra-Berlioz mais l’interprète, fervente avocate de la musique française, n’a pas hésité pour accepter d’incarner la Bohémienne aux côtés de Véronique Gens (Kassya), Anne-Catherine Gillet (Sonia) et Cyrille Dubois (dans le rôle du paysan Cyrille, justement) : « elle participe a une scène intense, à la fin de l’Acte I, au cours de laquelle elle prédit l’avenir à Kassya et à sa rivale Sonia. C’est un rôle court mais important dans le déroulement de l’ouvrage ; la Bohémienne est une sorte de Cassandre dont la prédiction s’avèrera exacte. »
 
Ce que raconte le texte
Quelques jours après Montpellier, N. Gubisch a rendez-vous sur les hauteurs de Verbier (28 et 29 juillet) pour une masterclass à l’Académie du Festival suisse ; une perspective qui la réjouit visiblement. « Par le passé j’avais déjà eu l’occasion de donner des conseils, des cours à de jeunes collègues qui me sollicitaient. A Bruxelles, il y deux ou trois ans j’ai animé pour la première fois une masterclass et, plus récemment, j’ai recommencé au CRR de Paris. J’ai adoré cet exercice ! : je découvrais que ce que je cherchais à transmettre à l’élève passait.»
 
« On a parfois vu des masterclasses prendre l’allure d’un show pour le public. Je ne conçois absolument pas les choses de cette manière. La masterclass doit être dédiée exclusivement à l’élève et peut offrir l’occasion de trouver les mots, la formule qui provoquera, immédiatement ou plus, tard un déclic. Je ne recherche pas le beau son pour le beau son ; il faut être au service de la partition le plus humblement possible et servir le texte, le texte avant tout ! Nous autres chanteurs devons ne jamais oublier que nous somme toujours en train d’incarner des choses, même dans une simple mélodie ; nous devons véhiculer ce que raconte le texte, quelle que soit la langue.
Autant je ne me sens absolument pas faite pour le métier de professeur, je n’en ai absolument pas le temps de toute façon – un jour viendra peut-être ... –, autant j’adore l’exercice de la masterclass et j’espère avoir l’occasion de souvent le renouveler à l’avenir. »
 
Printemps wagnérien
Après un automne calme, qui pourrait bien laisser le temps à la mezzo de mûrir le programme d’un nouvel enregistrement de mélodies avec Alain Altinoglu au piano – la parfaite réussite des mélodies de Ravel et de « Folk Songs » (Falla, Granados, Brahms, Berio), tous deux chez Naïve, appelle une suite ! –, la suite de la saison 18/19 sera riche puisque Nora Gubisch collaborera pour la première fois avec Maxime Pascal dans le Poème de l’amour et de la mer de Chausson ( à Copenhague, le 31 janvier), avant de retrouver Alain Altinoglu dans Alexandre Nevsky de Prokofiev avec le Wiener Symphoniker au Musikverein de Vienne (27, 28 et 29 février), puis dans Roméo et Juliette de Berlioz avec l’Orchestre National de Lyon (9 mars à Lyon, 12 mars à la Philharmonie de Paris). Quant au printemps, il sera wagnérien : Brangäne attend l’artiste dans la nouvelle production de Tristan et Isolde que Ralph Pleger signe à la Monnaie (2-19 mai).
 
Alain Cochard
(Entretien avec Nora Gubisch réalisé le 28 juin 2018)

Delibes/Massenet : Kassya
Festival de Radio France Occitanie Montpellier
21 juillet 2018 – 20h
bit.ly/2Lj6RRJ
 
Masterclass de Nora Gubisch à l’Académie du Festival de Verbier
28 et 29 juillet 2018
www.verbierfestival.com/artiste/nora-gubisch/

Photo © Brian Benson