Dans une manière quelque peu iconoclaste de lancer l’année des célébrations des 450 ans de la naissance de Monteverdi (1), Orfeo, Je suis mort en Arcadie ne désemplit pas au Théâtre des Bouffes du Nord. Ce spectacle, « d’après L’Orfeo de Monteverdi et d’autres matériaux », a été conçu par Samuel Achache et Jeanne Candel, à qui nous devions un pétillant et bidonnant (à l’appui de maints bidons) Crocodile trompeur, d’après cette fois Purcell et son Didon et Énée, en 2013 dans ce même théâtre. Pour cette production, créée début janvier à la Comédie de Valence et appelée à tourner dans différentes villes de France (2), ils se sont adjoints la participation de Florent Hubert, pour la conception et la direction musicales, dont on avait déjà apprécié le travail dans Traviata, Vous méritez un avenir meilleur (3).

© Jean-Louis Fernandez

On retrouve ainsi des ingrédients similaires à ceux du précédent Traviata : à savoir une troupe d’une quinzaine de comédiens-chanteurs-instrumentistes, tout à la fois, alternant passages musicaux (en italien, empruntés et arrangés de L’Orfeo, voire en allemand pour un des Rückert-Lieder de Mahler en final – on est dans la culture ou on ne l’est pas !) et dialogues parlés en français (inventés ou improvisés pour l’occasion, peu ou prou décalés du mythe d’Orphée). Mais la sauce est différente, qui se veut plus piquante, comme aussi moins bien cuisinée. Au sein d’un délire de situations, jeux scéniques outrés, dégaines caricaturales ou clownesques, jongleries diverses, éléments disparates et de bric et broc, le temps finit ainsi par s’ébrouer. Cette folie du plateau éveille l’intérêt de prime abord, pour ensuite lasser par son accumulation désordonnée. La faute également à de longs et pesants bavardages, comme à une interprétation musicale elle aussi parfois bricolée.

© Jean-Louis Fernandez

Si Anne-Emmanuelle Davy, Marion Sicre, Marie-Bénédicte Souquet et le haute-contre Léo-Antonin Lutinier délivrent un beau chant, en phase avec leur style et tessiture baroqueux, on n’en dirait pas toujours autant des autres intervenants vocaux. Jan Peters pose bien sa voix de ténor pour Orfeo, mais avec quelques difficultés de justesse. Quant au reste, ce serait plutôt le fait de comédiens (ou instrumentistes) poussant la note avec les approximations inhérentes. La participation instrumentale, à la charge d’une poignée d’officiants en groupe ou individuellement, avec instruments tout aussi disparates et force batteries, s’acquitte de sa tâche avec les honneurs sans trop peaufiner.
 
On note cependant dans la mise en scène un moment prenant, quand Orphée conduit Eurydice sortie des enfers pour ensuite succomber à sa tentation tragique (comme on sait), dans une totale obscurité hormis une angoissante petite torche : image des ténèbres sans doute, mais aussi bel effet théâtral. Discret et en situation cette fois, comme intensément efficace. Au bout du compte, un spectacle assez attachant, mais qui aurait gagné en impact et en équilibre à un peu plus de légèreté (et à quelques coupures).
 
Pierre-René Serna

Orfeo, Je suis mort en Arcadie – Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, 25 janvier ; jusqu’au 5 février 2017, les mardis, mercredis, vendredis, samedis à 20h30, dimanches à 16h / www.bouffesdunord.com
 
(1) Notamment : à l’Opéra Royal de Versailles, cinq programmes autour du compositeur, de mars à juin ; au Théâtre de Caen, le 28 février, L’Orfeo, avec Paul Agnew à la tête des Arts Florissants, version mise en espace ; production ensuite reprise au Musikverein de Vienne, au PNRSO Concert Hall de Katowice (Pologne), à l’Opéra Royal de Versailles, au Teatro del Canal de Madrid et enfin à la Philharmonie de Paris.
 
(2) En tournée : 23 février : Choisy-le-Roi – Théâtre Paul-Éluard ; 25 février : Alfortville, Pôle culturel ; 2-4 mars : Toulouse – Théâtre National ; 8-9 mars : Théâtre de Lorient ; 14 mars : Évreux – Le Cadran ; 17-18 mars : Cergy-Pontoise – L’Apostrophe ; 24 mars : Montpellier – Domaine d’O. 

(3)Voir notre compte-rendu : www.concertclassic.com/article/traviata-vous-meritez-un-avenir-meilleur-au-theatre-des-bouffes-du-nord-une-bouffee-de
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