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Paris - Compte-rendu : Adieu Thésée
On peinera à convaincre Jean-Louis Martinoty que l’abus de culture tue la culture, et pourtant son Thésée en est la parfaite démonstration. Embarrassée dans des décors étouffants (Hans Schavernoch) où Versailles se voit mis en abyme jusqu’à la nausée, sa relecture des aventures d’Aeglé et de Thésée à l’aune des péripéties amoureuses du roi Soleil et de la Montespan aboutit à une singulière réduction de sens. Evacuée la mythologie par laquelle Médée (on suppose que Martinoty l’associe à la Brinvilliers), qui est la véritable héroïne de l’intrigue justifie son personnage, envolée la possibilité des enfers autrement vue que comme une grotesque nuit des morts vivant (avec en point d’orgue un méchant coup de projecteur sur le visage révulsé d’Aeglé).
A force de vouloir lire le politique dans les ouvrages de Lulli on en oublie la vraie trame dramatique. Les sortilèges de Médée, transformés en un bombardement intersidéral d’objets boschiens parfaitement identifiés, tournent à vide et écœurent rapidement, perdant leurs pouvoirs, et comment ne pas sourire devant cette pauvre Aeglé qui, encore prisonnière des enfers, nous montre tous les états de décomposition de son visage. Ah ! La vidéo ! Chausse-trappe majeur de ce spectacle assurément.
La distribution laissait un peu sans voix : Anne-Sophie von Otter n’en a jamais eu beaucoup, mais du moins compose-t-elle un vrai personnage, Jean-Philippe Lafont s’est trompé d’opéra – on croit voir entrer le Baron Ochs – et de style, Nathan Berg chante dans la caverne de sa gorge, Sophie Karthäuser est parfaite mais indifférente, Jaël Azzaretti trouve souvent de belles idées poétiques mais on l’a connu plus fine diseuse qu’ici ; Salomé Haller vit avec emphase la révélation mystique (façon Bernadette Soubirous) de la Grande Prêtresse confrontée à la parole divine à l’éclaircissement de l’opéra et chante bien tout ce qu’elle chante ; on reste curieux de la Médée qu’elle réserve aux Lillois. Belle Dorine, assez joueuse et piquante, d’Aurélia Legay, Paul Agnew fait très bien le peu que Lulli lui demande.
Seul moment réussi, en dehors des beaux ballets de François Raffinot qui fait (bien) avec le petit espace qu’on lui laisse, le couple des vieillards au divertissement du II, chanté à tue tête par Cyril Auvity et Jean-Gabriel Saint-Martin. Sous tout cela (et très en-dessous), le grand orchestre symphonique d’Emmanuelle Haim joue atone, pâle, réveillé seulement par la trompette. Un mystère demeure : Thésée est une partition faible. Comment peut-il précéder le coup de génie qui suivra jour pour jour une année plus tard : Atys.
Jean-Charles Hoffelé
Jean Baptiste Lully, Thésée, Théâtre des Champs-Élysées, le 27 février, puis le 29 février 2008. Ensuite le spectacle ne se voit plus à Paris, mais il est repris à l’Opéra de Lille, les 11, 13, 15 et 17 mars, Salomé Haller chantant Médée et Françoise Masset la remplaçant dans la Grande Prêtresse.
Programme détaillé du Théâtre des Champs-Elysées
Photo : Alvaro Yañez
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