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Paris - Compte-rendu : Ariane et Barbe-Bleue à l’Opéra Bastille - Espoir néon
Ariane entre, chapeau cloche et Leica en bandoulière, clone d’Agatha Christie. Une enquête au lieu d’une quête ? Cette perspective divertit quelques instants, puis l’on est saisi par la laideur banale du décor : des bureaux vitrés venus directement d’une usine de RDA. Madame Viebrock reste fidèle à son principe du recyclage. Ce décor-là aurait pu être contigu à celui de ses Noces. D’ailleurs le spectacle lui même se limitera à ce seul décor, car ici, c’est Christoph Marthaler qui manque pour insuffler une vraie direction d’acteur et utiliser l’espace mais aussi l’astuce du dispositif qui à cour tend un écran où sont projetées les images de la vidéo surveillance. Même chez Barbe-Bleue la Stasi veille…Cette caméra redondante, qui souligne (petites culottes dans l’évier, pseudo-cadavre en nuisette, bibelots animaliers chinés chez Bambou ; eh oui, Barbe-Bleue a mauvais goût…), Marthaler l’aurait certainement utilisée pour faire voir l’envers du décor, ou creuser la narration.
Avec Madame Viebrock on reste au ras du papier peint, tout est terne et réel, avec parfois une pointe de ridicule qu’elle ne semble pas percevoir : cette Ariane qui sort son trousseau de clefs de son sac comme si elle rentrait chez elle, fait vraiment concierge. Cette nourrice qui fauche le trésor de Barbe-Bleue crée un hiatus terrible alors que la musique de Dukas et le texte de Maeterlinck s’acheminent vers l’idée du renoncement. Ah, justement l’œuvre. Viebrock l’a-t-elle bien regardée ? Ariane, en plus d’un chef d’œuvre que Paris ne voit que tout les vingt-cinq ans, est un conte philosophique, assis sur un fort fond « freudique ». Pas du tout une critique sociale. Dès lors pourquoi la raccorder au monde du travail – bureau, usine – alors qu’elle ne parle que d’une liberté inutile. Où est la métaphore : nous préférerions travailler plutôt que de tenter l’aventure ? Et Barbe-bleue bien entendu serait chef d’équipe. AU SECOURS !
Dans toute cette fable détournée sans autre effet qu’un placide massacre Deborah Polaski passe de sa grande taille hautaine sans ciller, indifférente, au mieux occupée à faire sa valise – imagine-t-on Ariane avec une valise, mon Dieu ! – un rien gourde lorsqu’elle libère Barbe-Bleue. Inutile de souligner qu’elle ne possède pas la tierce aiguë meurtrière exigée par Dukas que seules Balguerie et Lubin eurent vraiment, en plus d’un style qui doit plutôt au récit gluckiste qu’aux éthers debussystes, quoi qu’on en dise. Souvent fausse, d’une prononciation relâchée, son Ariane sans feu est déjà oubliée.
Sir Willard White est remarquable de sa présence presque muette, encore plus émouvant lorsqu’il ne dit rien au III. Quel acteur naturel confondant. Et Julia Juon – on attendait Palmer qui aurait donné un tout autre relief aux mots de Maeterlinck - dessine un vrai personnage, un rien manipulateur, et laisse transparaître une vraie émotion. Parfaite Sélysette et consœurs, direction implacable, peut-être pas assez colorée et entachée par un délicat problème d’équilibre avec les chœurs au début du I : Cambreling confirme qu’en dehors de ses Mozart – mais l’orchestre n’était-il pas plus fautif que lui ? - il aura réussi à marquer de son art particulier l’ère Mortier.
Le tsunami de protestations à l’apparition de l’équipe d’Anna Viebrock indique que le public ne peut plus supporter cette esthétique. Gérard Mortier saura-t-il l’entendre ?
Jean-Charles Hoffelé
Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas, Opéra Bastille, première, le 13 septembre, puis les 17, 21, 24, 28 septembre, et les 2 et 6 octobre.
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Programme détaillé de l’Opéra Bastille
Photo : DR
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