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Paris - Compte-rendu : Crépuscule infini. Dernière station de la Tétralogie selon Bob Wilson

Vue à Zurich, cette production du Götterdämerung ne supporte pas l’épreuve relative du temps. Sa reprise au Châtelet accuse le vide assez terrible que Wilson a fait subir à l’œuvre la plus touffue, la plus ouverte aussi qu’ait jamais enfanté Wagner. Oui Le Crépuscule des Dieux est un roman, un monde à entrées multiples, des reptations angoissées des Gibichungen, à la fin du parcours initiatique de Siegfried, en passant par les révélations successives que connaît Brünnhilde. Wilson a déserté aussi bien la sphère sociale que les alcôves privées, lissant tout d’un geste uniforme qui sur la durée d’une partition si étendue lasse rapidement. Reste la sempiternelle arme esthétique, mais comment lui sacrifier à ce point la vérité d’une œuvre où le théâtre est omniprésent ?

En fosse, Eschenbach colle à l’image : son orchestre est souvent d’une beauté entêtante, mais comme les tableaux lumineux de Wilson il s’avère incapable du moindre sostenuto : la musique s’écoule presque vainement, et les chanteurs, un peu laissés à eux mêmes se perdent en des poses jamais habitées. Linda Watson, toujours aussi anodine avait fort à faire avec sa Gutrune, Christine Gorke, un véritable Brünnhilde elle, surdimensionnée par rapport à son rôle, et trop impérieuse pour camper la jeune prétendante. Siegfried juvénile mais transparent, Nikolai Schukoff n’est jamais crédible, et l’on fait un peu vite la fête à Kurt Rydl, Hagen de routine qui connaît son chant mais ne fait jamais passer le frisson, même durant les appels de la chasse. Trois Nornes correctes, mais empêtrées dans leurs interminables robes écheveaux, un Dietrich Henschel percutant et sonore comme on l’entend rarement en Günther, L’Alberich presque trop musicien de Sergei Feiferkus, tous étaient effacés par la Waltraute de Mihoko Fujimura, intense, secrète, bouleversée : un grand moment de chant.

Jean-Charles Hoffelé

Le Crépuscule des Dieux de Richard Wagner, Théâtre du Châtelet, le 15 février, puis les 6 et 15 avril.

Programme détaillé du Châtelet

Wagner en DVD

Photo : DR
 

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