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Paris - Compte-rendu : Iphigénie désertée
Etrange : Ivor Bolton connaît son Iphigénie sur le bout de sa baguette – on se souvient de ses prestations salzbourgeoises où Suzanne Graham rayonnait d’un feu sombre – alors pourquoi ces tempos rapides et indifférents, ces articulations maniéristes, ce mezzoforte continuel, cette ennuyeuse banalité qui soulignent les carences de l’orchestre de Gluck ? Cette indigence où s’engouffre avec une assez consternante docilité le Freiburger Barockorchester suffit à ruiner la reprise d’un spectacle exigeant, que Warlikowski avait réglé sur la battue autrement dramatique de Marc Minkowski.
Le chef-d’œuvre s’est évaporé, laissant une musique de réflexes et des chanteurs assez abandonnés à eux-mêmes, preuve que l’art de Gluck est fragile. Mireille Delunsch en petite voix – étrange qu’elle porte si peu dans Garnier – incarne pour la première fois à la scène avec une sorte de tristesse univoque un personnage qu’elle incendia pourtant au disque: l’actrice est exemplaire mais son chant singulièrement atone. Stéphane Degout, trop propre, un rien en retrait, ne fait oublier ni Braun, ni Hampson. Reste le miracle Beuron, ce français ardent, ce ténor diseur, ce timbre dense, ces respirations amples qui portent la phrase : cette voix qui dit et incarne a tout compris de l’art gluckiste. Restent aussi Frank Ferrari, en couleurs plus sombres qu’à la création de cette production, aux ires implacable, et les quelques mots de Diane, enflammés de la fosse par Salomé Haller.
Les chœurs, que Warlikowski y a également relégués, sont un rien distants, marque de fabrique d’Accentus depuis un certain temps. On avoue s’être ennuyé, mais uniquement par la musique ; un comble lorsque l’on pense à la force de l’ouvrage. Le spectacle reste toujours aussi faramineux, avec au sommet la pantomime du meurtre répété de Clytemnestre par le jeune Oreste d’Antoine Bibiloni. Preuve de sa puissance suggestive, l’œuvre de Warlikowski a été cette fois encore copieusement sifflée et applaudie, divisant un public quinteux et bavard comme seul Paris en fournit.
Jean-Charles Hoffelé
Christoph Willibald Gluck, Iphigénie en Tauride, Palais Garnier, le 28 mai, puis le 31 mai et les 2, 5 et 8 juin 2008.
Les prochains concerts à l’Opéra Garnier
Photo : DR
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