Excellente idée d'avoir invité l'Opéra Studio hollandais à présenter à l'Amphithéâtre de l'Opéra Bastille sa version du premier opéra de Philippe Boesmans, Reigen (créé en 1993 à La Monnaie de Bruxelles) d'après la pièce éponyme d'Arthur Schnitzler, en contrepoint à la création mondiale au Palais Garnier du dernier en date, Yvonne, princesse de Bourgogne. Cette version de chambre pour une vingtaine d'instruments due à Fabrizio Cassol convient parfaitement aux dimensions restreintes de l'Amphithéâtre. Elle est aussi moins lourde pour de jeunes voix, et c'est un plus.

Une certaine légèreté caractérise donc ce spectacle. Elle est due à la fois au choix de cette version intimiste de la partition et à la jeunesse des dix protagonistes qui font ici leurs premières armes lyriques et dramatiques. Mais aussi à la vision qu'en a le metteur en scène allemand Harry Kupfer. Le premier metteur en scène de Reigen, qui était aussi son librettiste Luc Bondy, était resté fidèle (peut-être inconsciemment ?) à l'origine autrichienne de la pièce d'Arthur Schnitzler, et la rutilance du grand orchestre venait encore accentuer cet aspect viennois. Kupfer a rompu avec l'Europe centrale au profit d'une grosse farce sortie tout droit d'une kermesse flamande. Ce que l'on perd en raffinement, on le gagne en spontanéité.

Ce qu'on voit est une partie de jambes en l'air en dix numéros enchaînés. D'abord parce que ce sont les jeunes interprètes qui effectuent eux-mêmes les changements, ou plus modestement les modifications du décor. Cela confère une fluidité à la soirée. Il faut dire que la scène en demi-lune derrière le petit orchestre compte peu d'accessoires qui se limitent à un lit transformable agrémenté de draps rouges cerise... Quant aux jeunes chanteurs, ils sont plutôt dévêtus, mais dans la plus parfaite bonne humeur. Ils jouent très bien des rôles pas très faciles qui mettent leurs corps et leur self control à rude épreuve.

Chez beaucoup d'entre eux, l'allemand n'est pas excellent, malgré quelques belles exceptions. Les voix sont mieux travaillées et rompues au style composite de Boesmans. Coup de chapeau aux musiciens du Bezetting Speelt et à un chef d'expérience, le Hollandais Winfried Maczweski qui met en lumière les clins d'oeil comme les « à la manière de » chers à Boesmans et qui apparaissent ici davantage dans la clarté de la trame musicale, alors qu'ils sont plus discrets dans les replis du grand orchestre. Quinze ans après, Reigen est devenu un classique de l'opéra qui se renouvelle au gré des scénographies. Mais dont on ne se lasse toujours pas.

Jacques Doucelin

Amphithéâtre Bastille, 17 février 2009

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Photo : DR