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Paris - Compte-rendu - La voix du Bon Dieux, Elina Garanca triomphe dans la Cenerentola de Rossini
Il y a méprise sur le genre de l’œuvre. La Cenerentola n’est pas cet opera buffo que l’on nous montre trop souvent. Elle regarde vers l’opéra romantique, sa musique est si l’on veut « transgenre ». Hors Irina Brooks a foncé droit dans le piège : on ne peut plus buffo la bande des méchants (Clorinde, Tisbé, Don Magnifico), alors qu’ils ne le sont qu’épisodiquement ; ils se montrent le reste du temps fats, odieux, violents, ici ils ne terrorisent personne, et surtout pas Angelina qui les dépasse tous d’une bonne tête. Buffo aussi les faire valoir, Dandini et Alidoro. Brooks afflige le premier d’une perruque rasta (la même que portait déjà Anna Caterina Antonacci en Néron voici quelques semaines ?) et fait du second un mélange approximatif de Nosferatu et de Mandrak.
Le but de Cenerentola n’est pas de produire l’hilarité : pour preuve la mise en scène rajoute à dessein des éléments afin de déclancher le rire que l’action dramatique n’induirait pas forcément. La Cenerentola n’est pas l’Italienne à Alger ; même celle-ci est trop constamment considérée uniquement par le biais réducteur du vis comica.
Le spectacle vainement décalé ne parvint pas à amoindrir la révélation de la soirée : l’Angelina d’Elina Garanca. Voix pleine, timbre chaleureux, émission limpide, vocalises déliées, ce splendide mezzo annonce déjà une Eboli de grande classe, et tous les emplois rossiniens lui tendent naturellement les bras. Pour Elle, pour son Angelina parfaite, vous devez voir le spectacle. Son Ramiro est letton, comme elle : Maxim Mironov, vingt deux ans, déploie une quarte aigu claironnante, mais le medium est effacé, et la colonne d’air ne porte vraiment que son ténorino éclatant. Avec les années et le travail le reste de la voix s’étoffera, n’en doutons pas, et l’on tiendra alors l’un des tous premiers ténors rossiniens de sa génération. Avec sa prestance légendaire, Nicolas Rivencq essaye de faire oublier ses errements de justesse et ses vocalises savonnées. Le comédien n’a rien perdu de son entrain, mais la voix, elle, n’a plus que son mordant.
Le reste de la distribution tenait la route, sans qualités transcendantes, et dans la fosse, avec un Orchestre National de France attentif, Evelino Pido interdisait toute poésie, bannissait toute fantaisie, faisant jouer les notes sinon le texte. On se souvient du lyrisme et des tendresses, des euphories qu’y déclenchait à Salzbourg Riccardo Chailly. Tout ce qui sépare une direction inspirée par une partition d’orchestre intentionnellement délicieuse d’une exécution recherchant avant tout à abriter son manque d’imagination derrière une probité de surface.
Jean-Charles Hoffelé
Première de la reprise de La Cenerentola de Gioachino Rossini, Théâtre des Champs-Elysées le 18 novembre 2004 et les 20, 22 et 24 novembre.
Photo: Alvaro Yanez
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