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Paris - Compte-rendu - Pleyel : Sir John Eliot Gardiner le conquérant
L’Orchestre Symphonique de Londres peut en cacher un autre tant ses qualités d’adaptation lui permettent de se lover dans les répertoires les plus divers sous la conduite de chefs très différents. Après s’être illustré dans Mahler avec Gergiev, l’orchestre britannique revient Salle Pleyel avec Sir John Eliot Gardiner (photo), l’un des musiciens les plus iconoclastes de notre époque. Au programme (en deux soirées), un début d’intégrale des symphonies de Beethoven (la 4ème, la 5ème, la 7ème) agrémenté de deux ouvertures les moins rebattues (Le Roi Etienne op 117 et l’anecdotique Pour une fête op 115) ainsi que du célèbre Troisième Concerto pour piano en ut mineur. La présence en soliste de Maria Jão Pires, la silhouette toujours frêle mais la musique au bout des doigts, est une offrande par le naturel, l’enchantement, le phrasé quasi mozartien qui, par certains côtés, rappelle Clara Haskil. Un moment de pureté prolongé en bis par une mazurka de Chopin d’une poésie immatérielle.
La conception beethovénienne de Gardiner a légèrement évolué par rapport à l’enregistrement des neuf symphonies réalisé avec son Orchestre Révolutionnaire et Romantique (Archiv). Le chef jette aux orties la vision post-wagnérienne de l’interprétation (Furtwängler, Karajan…) pour se mouvoir dans une optique délibérément nouvelle et s’en explique d’ailleurs au micro, face au public. Avec un LSO transformé, à la sonorité transparente, sans vibrato, des timbales (remarquables) très présentes voire omniscientes pour un auditeur placé au premier rang d’orchestre, il se réfère davantage à une conception, celle de Bonaparte passant le Pont d’Arcole. A juste titre, il rappelle que la première intégrale des symphonies fut donnée à Paris devant un Berlioz éberlué, rappelant ainsi la filiation du Titan de Bonn avec la musique française.
Tout est mené de main de maître avec un tempo toujours juste, une juvénilité et une vigueur qui soulèveraient des montagnes (finales de la 5ème et de la 7ème que seul Gustavo Dudamel articule encore davantage). La battue précise se laisse pourtant séduire par le lyrisme des mouvements lents qui respirent sans jamais sombrer dans le pathos de versions plus expressionnistes. Rien de sèchement musicologique dans cette vision emportée par un souffle contagieux. Un vent nouveau circule dans l’orchestre qui, comme à son habitude, par la perfection atteinte, n’appelle aucun reproche de détail.
Michel Le Naour
Paris, Salle Pleyel, 9 et 10 février 2009
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Photo : DR
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