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Pour Luca Pisaroni ; Les Noces de Figaro de Mozart selon Jean-Louis Martinoty au TCE
Le fait est assez rare pour être signalé : si l’on trouve nombre de Comtes possibles, les grands Figaros sont toujours rares, surtout ceux qui peuvent chanter tous les graves du rôle sans les transposer. Pisaroni emporte de bout en bout l’adhésion, balayant même le portrait un rien trop sombre qu’y brossait José van Dam. Cherchez l’erreur, il n’est pas dans l’enregistrement que vient de faire paraître René Jacobs chez Harmonia Mundi. Il faudra donc vous rendre au Théâtre des Champs-Elysées si vous voulez entendre le Figaro de ce début de siècle.
C’est tout ce qu’il y a à glaner dans cette distribution, avec bien sûr le Chérubin inoxydable d’Angelika Kirschlager qui commence à avoir plus d’automatismes que de poésie, attention danger. Le Comte de Pietro Spagnoli, trop honnête chanteur pour prétendre terroriser qui ce soit était un moindre mal, la Suzanne pale de Rosemary Joshua, qui attend le IV pour déployer sa voix, la Marcelline pleine d’esprit mais au timbre en berne de Sophie Pondjiclis, les seconds rôles sans caractères, tous laissaient la palme à la Comtesse d’Annette Dasch. Elle vient d’inventer un nouveau style vocal : le chant tiré. Une horreur. Son Porgi amor fut d’une laideur insigne, le Dove sono la montrait interdite, et en plus cette idée saugrenue qu’a Martinoty de la faire jouer à la marelle à la fin de son air…
La production demeure ce qu’elle est, boulevardière avec ces quatre portes, son cadre de guingois, son encombrement de tableaux en chromo. Beaumarchais en aurait aimé la vivacité, Mozart en aurait-il goûté le manque d’émotion racheté par une tasse brisée ici, un verre là (par la Comtesse et le Comte, on s’en doute) ? Pas sur. Avec un Concerto Köln raide comme un coup de trique, jouant tout en gris, le sourire italien de Mozart disparaissait, et l’Ouverture résonnait comme celle de Don Giovanni, dernier des Da Ponte qu’abordera Jacobs en 2006. Comme à son habitude, il dirigea les chanteurs et choya son continuo. Nous avons eu en outre la surprise de découvrir un concerto pour piano inédit de Mozart, qui dure près de trois heures. Il n’était peut-être pas nécessaire de le jouer en même temps que les Noces de Figaro.
Jean-Charles Hoffelé
Théâtre des Champs-Elysées, le 19 juin 2004. Jusqu'au 25 juin.
Photo : DR
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