Sous le soleil du village de Pierres et Vacances à Pont Royal, né d’un rêve provençal, ou dans le cadre féerique du Château de Lourmarin, se pressent de jeunes musiciens japonais, américains, européens, venus recueillir ici un précieux héritage que rien ne remplace, la transmission orale. Comme si l’Europe centrale recevait le monde, puisque c’est là que naquit le quatuor, idéal égalitaire, harmonieux et collectif au service d’une excellence réduite à l’essentiel : grâce au vouloir inoxydable de Georges Zeisel, fondateur de l’Association, lequel s’est quasi identifié à cette mission et a créé ces Académies.

C’est dire que les demandes se pressent pour participer à cet enseignement unique, dispensé par des maîtres issus du monde subtil et patrimonial du quatuor : ainsi cette année des personnalités exceptionnelles venues des Quatuors Artemis (photo), Hagen et Berg, et un admirable pédagogue qui a choisi de n’être « que » cela, alors qu’il eut pu faire une carrière d’instrumentiste tout à fait flatteuse, Eberhardt Felz, professeur à la Hochschule für Musik Hanns Eisler de Berlin : le contraire d’une star, mais un homme au jugement sans appel, à l’écoute dévorante et aux conseils intenses, capable de chauffer à blanc les jeunes musiciens et d’en faire jaillir le meilleur. Et lorsque dans la minuscule chapelle ou les maisonnettes du village, se file la musique dans sa plus grande vérité et sa rigueur, loin des excès d’inspiration, l’engagement des interprètes atteint toujours à une émouvante intensité. Certes tous ne sont pas d’égal talent, et seuls quelques-uns émergeront. Mais pour aucun l’expérience n’aura été inutile, car ils pourront la continuer à l’envi, pour le meilleur profit de leur vie personnelle. Cette session a vu par exemple le Quatuor Klee, formé de quatre formidables Japonaises, qui suivent l’enseignement d’Eberhardt Felz à Berlin, aboutir à un superbe et parfaitement maîtrisé Ainsi la nuit de Dutilleux, dans un éventail de chatoyantes sonorités dont la richesse ne masquait pas la finesse de structure : elles ont 22 ou 23 ans ! On aura sûrement l’occasion de les réentendre, tout comme le Quatuor Gerhard, quatre Catalans qui ont choisi le nom d’un musicien de leur pays comme égide : ils ont donné du Quartetto serioso de Beethoven une interprétation aussi ramassée et nerveuse que cette œuvre, presque compressée, le requiert pour livrer son message de force et de courage.

On a aimé la grâce du Quatuor belge Amôn, aux prises avec Haydn, pour son Quatuor op.74 n°3, « Le Cavalier », lancé avec brio et dégagé d’effets faciles. Un tout petit moins d’enthousiasme pour le franco-suisse Quatuor Byron, dont la sonorité reste en deçà de l’incontestable musicalité. Et quelle erreur que d’avoir choisi pour le jouer à Lourmarin le Quatuor du suisse Ludovic Thirvaudey, estimable certes, et créé par eux en 2011, mais si mal à l’aise entre Haydn et Janacek, dans son 2ème Quatuor à cordes «Lettres intimes ».

En 25 ans(1) ProQuartet n’aura organisé pas moins de 800 concerts, et rares sont les grands du quatuor contemporain qui n’auront pas pris, comme un pèlerinage, le chemin de ces Académies, aux champs ou à la Cité des Arts, à Paris. Des débuts du Quatuor Artemis aux grands de demain, les Zaïde, Arcadia, Kelemen ou Sacconi, Georges Zeisel a aidé à éclairer, consolider, épanouir un pan majeur et discret de la culture européenne. Pour mieux la rendre universelle.

Jacqueline Thuilleux

L’anniversaire de ProQuartet sera marqué en novembre par plusieurs concerts aux Bouffes du Nord, puis au printemps, avec l’intégrale par le Quatuor Arditi du Livre pour Quatuor de Boulez, composé en 1948 et laissé dans l’ombre depuis, malgré quelques reprises partielles.

Session de ProQuartet à Pont-Royal à Mallemort et concerts au Château de Lourmarin,
jusqu’au 3 juin 2012. Infos : www.proquartet.fr
Concerts du 4 mai 2012 (Pont-Royal) et du 5 mai 2012 (Lourmarin)

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Photo : Boris Steubel