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Récital autour de Harriet Backer à l’Auditorium du musée d’Orsay – Solveig, forcément – Compte-rendu

 
En ce mardi 26 novembre, l’auditorium du musée d’Orsay est comble. Y aurait-il à l’affiche quelque star de la musique classique, pour déplacer ainsi les foules ? Le programme inclurait-il une œuvre assez populaire pour attirer un public nombreux ? Pas vraiment. Ce concert – l’un des rares à faire place à la voix en ce début de saison 2024-25 à Orsay – accompagne l’exposition consacrée à la peintre norvégienne Harriet Backer (1845-1932), et son contenu semble aller de soi puisque cette dame avait une sœur compositrice, Agathe (1847-1907), épouse du chef de chœur Olaus Andreas Grøndahl. Pianiste, amie de Grieg, élève de Hans von Bülow, elle fut encouragée par Liszt. Sa production, qui commença en 1868 et se prolongea jusqu’à sa mort, malgré la surdité qui la frappa en 1903, est partagée entre les mélodies et les pièces pour piano.

 

Agathe Backer-Grøndahl (1847-1907) © wikimedia.org

En septembre, un premier concert avait honoré la musique pour piano d’Agathe Backer- Grøndahl : profitant des relations entre la compositrice et le plus illustre des compositeurs norvégiens, le pianiste Christian Grøvlen y avait intercalé une ballade de Grieg entre deux œuvres de la sœur cadette de Harriet Backer. Pour le concert vocal, le même principe a prévalu, et trois mélodies de Grieg se placent au milieu du récital, encadrées par des œuvres de Backer-Grøndahl. S’il prend la parole, pour préciser notamment que la musique d’Agathe Backer-Grøndahl est rarement donnée, même dans son pays natal, Christian Grøvlen se contente cette fois du rôle d’accompagnateur des deux autres artistes présents. Le choix d’une soprano et d’un baryton permet d’introduire un peu de variété et surtout d’inclure des duos en fin de programme.

 

Christian Grøvlen © Clinn Ahlgren - Nationalmuseum

Les œuvres retenues ont été conçues entre 1884 et 1899, et correspondent donc avec la maturité de la compositrice. Le recueil le plus ancien, Sange ved havet (« Chansons de la mer » ou « au bord de la mer ») sur des poèmes de Holger Drachmann, réunit huit mélodies qui évoquent toutes l’élément liquide dans ses différentes humeurs, mer calmée ou houle déchaînée, avec force chromatisme. Le plus récent, Barnets vårdag (« Jour de printemps d’un enfant ») sur des textes d’Andreas Jynge, évoque sur un ton primesautier les moments d’une journée passée dans une nature ragaillardie, depuis le chant de l’alouette jusqu’à la berceuse. De 1897 datent les deux duos, l’un traduisant le mystère de la nuit en entrelaçant les voix selon des lignes sinueuses, l’autre étant une valse plus simplement agencée. De Grieg, on entend deux extraits des Douze mélodies op. 33 (1880) et l’incontournable « chanson de Solveig » extraite de la musique de scène pour Peer Gynt.

 

Lydia Hoen Tjore © DR 

La soprano Lydia Hoen Tjore possède la voix éclatante de santé qu’appelle le recueil printanier, pour lequel il convient de maîtriser à la fois une certaine agilité et une relative ampleur vocale : Journée d’un enfant, certes, mais la partition n’a rien d’enfantin. Baryton au timbre clair, Magnus Ingemund Kjelstad (photo) sait traduire l’agitation du recueil marin, le caractère rêveur des scènes nocturnes ou la solide vigueur de telle pièce où Backer-Grøndahl utilise exceptionnellement la forme strophique. Leurs deux voix s’associent très harmonieusement pour les deux duos. Chaleureusement applaudis, les artistes reprendront en guise de bis la « Valse des vieux », sans doute plus entraînante mais moins magique que l’autre duo, « La nuit est silencieuse ».
 
Laurent Bury

 

Paris Auditorium du musée d’Orsay, 26 novembre 2024 en relation avec l’exposition « Harriet Backer. La musique des couleurs »  https://www.musee-orsay.fr/fr/agenda/expositions/harriet-backer-1845-1932-la-musique-des-couleurs (jusqu’au 12 janvier 2025)
 
Photo © DR

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