Journal
Salomé par le collectif Hauen und Stechen au théâtre de l’Athénée – Vibrant spectacle d’adieux – Compte-rendu
Patrice Martinet quitte la direction du Théâtre de l’Athénée, après vingt-huit ans de bons et loyaux services, avec un spectacle qui le représente bien, lui et sa programmation. C’est en 1993 que Patrice Martinet avait pris en main le ravissant petit théâtre sis square de l’Opéra-Louis-Jouvet, succédant à Pierre Bergé qui y avait institué des « Lundis musicaux » (à l’initiative de P. Martinet, ils ont été relancés en 2014, sous la conduite de l’excellent Alphonse Cemin) mais étoffés d’une série de spectacles musicaux d’une profonde originalité – dont de nombreux ouvrages de musique légère, par la compagnie Les Brigands en particulier. Il avait ainsi lancé ou soutenu de jeunes et frais ensembles, dont Le Balcon de Maxime Pascal avec une Ariane à Naxos qui restera dans les annales (1), comme de nouveaux metteurs en scène promis par la suite à la plus brillante carrière, dont Benjamin Lazar. On se souvient aussi d’un inédit Moscou Paradis de Chostakovitch (2), parmi d’autres multiples incursions dans des répertoires lyriques peu ou pas usités. Sans parler, tout récemment, d’un remarquable Powder Her Face de Thomas Adès par le Nouvel Opera Fribourg.(3)
Dans ce même théâtre avait eu lieu en 1896 la création mondiale de la Salomé d’Oscar Wilde, en l’absence de son auteur retenu dans les geôles de Londres (comme souligne Martinet dans son mot de présentation). C’est donc une forme de retour aux sources et de lien historique que se veut le spectacle Salomé, d’après Wilde mais aussi Richard Strauss, commandé en création à la charge du collectif berlinois Hauen und Stechen (« frapper et piquer »). La production s’apparente au savoir-faire iconoclaste habituel de ce collectif, dans un très libre arrangement de la musique de Salomé de Strauss (et des pointes de La Tragédie de Salomé de Florent Schmitt), sur des textes chantés ou déclamés, en allemand, français et anglais, également repris de Wilde ou de Flaubert (son Hérodias). Le tout pour six actrices, trois chanteurs (Vera Maria Kremers, Angela Braun, David Ristau), complétés d’un alto, de percussions, d’un piano, d’un tuba et d’électronique, dans une mise en scène de Franziska Kronfoth avec accumulation de praticables et projections vivement animés, sous la direction musicale de Roman Lemberg. Un joyeux délire, quelque peu déjanté, bien à l’image cet Athénée novateur tel que Martinet l’avait conçu. Et un bel adieu, vibrant et passionné.
Pierre-René Serna
(1) www.concertclassic.com/article/ariane-naxos-par-lensemble-le-balcon-lathenee-quel-talent-compte-rendu
(2) www.concertclassic.com/article/moscou-paradis-de-chostakovitch-lathenee-tracasseries-et-divertissements-aux-temps
(3) www.concertclassic.com/article/powder-her-face-de-thomas-ades-lathenee-ceci-est-bien-une-pipe-compte-rendu
Paris, Théâtre de l’Athénée, 25 juin 2021.
Photo © Thilo Moessner
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