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Simone Lamsma, Case Scaglione et l’Orchestre national d’Île-de-France – Au cœur du sujet – Compte-rendu

 

 

On avait tant apprécié Simone Lamsma dans le Concerto de Sibelius en janvier 2020, avec l’Orchestre national d’Île-de-France et Case Scaglione (1), qu’il était hors de question de manquer sa nouvelle venue à l’Ondif. D’autant que l’interprète n’est pas de la catégorie de ceux qui vivent sur le sacrosaint quinté Beethoven-Mendelssohn-Brahms-Tchaïkovski-Sibelius ; elle compte en effet une soixantaine de concertos à son répertoire et on a eu le bonheur de la retrouver avec celui, si méconnu, de Benjamin Britten. C’est d’ailleurs dans cet Opus 15 qu’elle avait remporté le Premier Prix du Concours Britten en août 2004 à Londres (le jury était présidé par Ida Haendel, à qui l’on doit on s'en souvient une version majeure du Concerto, réalisée en 1977 sous la direction de Paavo Berglund avec Bournemouth) ; Lamsma n’a depuis cessé de défendre une composition qu’elle ressent intimement.
Car, aussi riche soit-il, le Concerto de Britten requiert de fervents avocats, prêts à affronter une partie d’une difficulté terrible, effroyable par endroits même (Jascha Heifetz y renonça, c’est dire ...), mais pourtant étrangère à l’effet virtuose, au spectaculaire. Elaboré entre 1938 et 1939, entre Angleterre et Etats-Unis, l’ouvrage est marqué par la noirceur du contexte historique : guerre civile espagnole, éclatement du second conflit mondial.
Par-delà sa maîtrise technique et sa sidérante justesse d’intonation, Simone Lamsma saisit tout le poids émotionnel dont la musique est chargée, que ce soit dans les deux mouvements extrêmes ( Moderato con moto / Passacaglia : Andante lento ; la première passacaille jamais écrite par Britten ) ou dans le souvent mordant Vivace median. Musique redoutable certes, mais qui procède toujours d’une profonde nécessité et montre la violoniste continûment au cœur de son sujet. Pas moins investi que sa soliste, Case Scaglione lui offre un accompagnement très fusionnel, à la tête d’une phalange aux timbres toujours en éveil et aux cordes d’une homogénéité exemplaire.
 

Anna Clyne © annaclyne.com
 
Ce sont d’ailleurs les cordes graves de l’Ondif qui (en 2015, à l’époque d’Enrique Mazzola donc) ont donné à Anna Clyde l’envie d’écrire une partition d’une dizaine de minutes : The Midnight Hour. Nourrie de vers de Juan Ramón Jiménez et de Baudelaire (Harmonie du soir), la pièce prend naissance dans les cordes graves avant de faire appel à l’ensemble de l’effectif. Aucune asppirration à la description, la narration ; la musique peut se définir, selon les mots de l’artiste britannique (née en 1980), comme « un parcours visuel ». A l’imagination de chaque auditeur d’en faire son miel : elle y trouve matière avec ce que l’Ondif lui offre au commencement de la soirée.
 
Case Scaglione © Sonja Werner
 
« Tube » de la musique orchestrale s’il en est, la 6ème Symphonie  de Beethoven n’en demeure pas moins un test hautement révélateur – Lorin Maazel la considérait comme la plus difficile des neuf symphonies. On mesure à quel point, jour après jour, la signature de Case Scaglione sur l’orchestre de fait plus évidente. Fiinesse des couleurs, étendue du nuancier : le chef dispose d’une palette idéale et façonne d’un geste aussi sobre que suggestif une merveilleuse « Pastorale ». Quelle justesse dans le style, dans la manière d’aborder une musique qu’il se garde bien de trop tirer vers une époque qui n’est pas encore sienne. Point de contrastes excessifs, nulle wagnérisation de l’orage, mais une vision poétique, nuancée et –  quel plus beau compliment lui adresser ? – d’une très humaine simplicité.
 
La prochaine série de l’Ondif (Le Vésinet-3/02, Meaux-5/02, Paris-9/02, Gonesse-12/02) sera affaire de femmes, avec Stéphanie Childress à la baguette et la non moins excellente Anastasia Kobekina au violoncelle, dans un programme rassemblant Britten (Simple Symphony), Kabalevski (Concerto n° 1 op. 49) et Beethoven (Symphonie n° 1). Aussi original que tentant !
 
 Alain Cochard  

(1) www.concertclassic.com/article/case-scaglione-et-lorchestre-national-dile-de-france-splendide-incursion-en-terre-sibelienne

 Paris, Philharmonie, 30 novembre 2022 // Prochain concert : www.orchestre-ile.com/page/saison/33_saison-2223/concert/797_les-audacieux
 
Photo : Otto van den Toorn © Simone Lamsma

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