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Sondra Radvanovsky et Piotr Beczała en récital à Wuppertal / « Met Stars Live in Concert » (Streaming) – Seuls, en ce lieu désert … – Compte-rendu
Sondra Radvanovsky et Piotr Beczała ont déjà eu l’occasion de partager l’affiche de plusieurs spectacles : Un ballo in maschera au Met en 2015, Luisa Miller au Liceu et Tosca à Vienne en 2019, et ils auraient dû se retrouver dans Aida à Peralada l’été dernier ; ils ont aussi déjà donné des concerts ensemble. On peut donc parler de retrouvailles pour la soprano américano-canadienne et le ténor polonais, que l’on entend notamment dans quelques-uns des opéras qu’ils ont interprétés ensemble, mais aussi séparément : Beczała a chanté Halka au Theater an der Wien en décembre 2019 et Rusalka au Staatsoper de cette même ville en janvier 2020, Radvanovsky a été Maddalena di Coigny et la Manon de Puccini à Londres. Ce concert nous les montre aussi dans des rôles que, sauf erreur, ils n’ont pas encore incarnés sur scène : Turiddu et Chénier pour le ténor, Adriana Lecouvreur ou Leonora de La Force du destin pour la soprano (qu’elle aurait dû chanter en 2018 au Met dans une production signée Calixto Bieito, finalement annulée).
« Oh my God, they are so great together ! » s’exclame Christine Goerke à l’entracte. Sans vouloir faire la fine bouche, il n’est pas certain que le rapprochement tourne à l’avantage du ténor. Certes, la voix est saine, mais l’engagement de l’interprète paraît vite superficiel. Tout se ressemble ici un peu, et Piotr Beczała ne parvient pas vraiment à faire exister les différents personnages qui se succèdent. Il faut attendre la fin du récital, et le Prince de Rusalka pour le voir esquisser un sourire, comme s’il entrait enfin dans le rôle. C’est aussi le moment où Vincenzo Scalera semble lui aussi sortir de sa réserve et se montrer un accompagnateur moins obstinément discret. Le déficit dramatique de la part du ténor est confirmé par l’extrait d’une captation d’Adriana Lecouvreur diffusé en guise d’entracte : pendant « L’anima ho stanca », un seul regard d’Anita Rachvelishvili pourtant muette semble beaucoup éloquent que le jeu de Beczała, dans la production vieillotte de David McVicar (on croirait une dramatique de l’ORTF).
Même si sa gamme de gestes ne sort pas forcément du stéréotype de la diva, Sondra Radvanovsky possède une tout autre expressivité, elle paraît vivre bien plus intensément ce qu’elle chante. Et malgré de petites toux dissimulées avant certains airs, elle parvient à donner l’impression d’avoir toujours de l’endurance en réserve, là où le ténor semble exploiter ses moyens au maximum. La puissance de la soprano n’empêche nullement la finesse des nuances, et l’on admire qu’elle ait su conserver à son répertoire les reines donizettiennes tout en étant régulièrement Tosca ou Aida. Avant de conclure superbement le programme sur deux extraits de Rusalka, où elle retrouve cette langue tchèque qui est celle de son père, c’est avec des sanglots dans la voix que Sondra Radvanovsky dit son espoir que le monde guérisse bientôt de la pandémie. Puisse-t-elle être entendue …
Prochain rendez-vous de la série « Met Stars Live in Concert » le 6 février avec Anna Netrebko.
Laurent Bury
En direct depuis la Stadthalle de Wuppertal, 23 janvier 2021, disponible en replay (payant) jusqu’au 5 février sur www.metopera.org/
« Met Stars Live in Concert » : metstarslive.brightcove-services.com/
Photo © metstarsliveinconcert
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