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Trois questions à Hampus Lindwall, organiste
Ce n'est pas dans le cadre de son inventive émission À l'improviste qu'Anne Montaron a convié Hampus Lindwall, musicien suédois magnifiquement francophone, installé à Paris depuis 2002 et titulaire de l'orgue du Saint-Esprit, mais pour l'émission du lundi soir animée en alternance par les producteurs de France Musique : Rapprochez-vous du poste…
À l'invitation d'Anne Montaron, inlassable défenseur de l'improvisation sous toutes ses formes, vous donnez le 2 mai, aux claviers de votre orgue du Saint-Esprit, un concert qui sera diffusé le 4 juin de 22 h 30 à minuit. Quels seront vos thèmes d'inspiration pour ce concert ?
Hampus LINDWALL : L'église, pour ceux qui ne la connaissent pas encore, est une construction impressionnante des années 30, inspirée de Sainte-Sophie de Constantinople et conçue par Paul Tournon, avec une immense coupole en béton culminant à 33 mètres de hauteur. Elle a été décorée par de nombreux artistes de l'entre-deux-guerres, dont Maurice Denis (fresque de la Pentecôte) et George Desvallières (chemin de croix), qui en 1919 avaient tous deux fondé les Ateliers d'art sacré. L'orgue de cette église a été rendu célèbre par sa première titulaire (1933-1962) : Jeanne Demessieux, ensuite nommée à la Madeleine. Comme improvisateur, j'essaie toujours de me réinventer, d'employer des techniques ou des démarches nouvelles. J'ai la chance d'être entouré d'amis artistes qui travaillent dans tous les domaines – art plastique, performance, internet art, théâtre – et m'influencent par leur ouverture d'esprit vis-à-vis de l'expression artistique. Cette fois-ci, j'ai voulu faire un lien avec quelques compositeurs de ma génération, que j'admire : Mauro Lanza, Jesper Nordin, Raphaël Cendo. Je leur ai donc demandé des « thèmes » qu'ils pourront me proposer sous n'importe quelle forme : notes, démarche, pensée, façon de jouer, ou tout ce que leur fantaisie pourra leur inspirer… J'ai d'ailleurs hâte de découvrir tout cela !
Ligia Digital a publié en 2011 votre premier CD : Hommage à Jeanne Demessieux… Pourquoi avoir réalisé cet enregistrement ?
L. H. : C'était un projet que je voulais faire depuis longtemps. J'ai découvert la musique de Jeanne Demessieux (1921-1968) dans mon adolescence, et elle m'a fascinée. Elle est plus connue dans d'autres pays qu'en France, et quand je me suis trouvé organiste au Saint-Esprit, j'ai senti que je devais faire ce disque pour rendre hommage à cette femme talentueuse qui n'est toujours pas reconnue à sa juste valeur. Ce disque – qui réunit des pièces très variées allant des fameux Te Deum et Répons pour le Temps de Pâques aux redoutables Études – a été enregistré à la Madeleine, dernière tribune de Demessieux et instrument qu'elle-même a choisi pour ses gravures, notamment de la musique de César Franck. Ensuite on a enregistré quelques bonus au Saint-Esprit, pour donner à l'auditeur l'occasion d'entendre sur un même disque ses deux instruments. Rejoignant le programme du 2 mai, le CD se referme sur une improvisation sur le nom de Jeanne Demessieux.
Une autre grande figure féminine d'organiste et compositrice a beaucoup compté pour vous…
L. H. : En ce moment je prépare un nouveau projet qui me tient particulièrement à cœur. Il s'agit de la musique de Rolande Falcinelli (1920-2006 – professeur d'orgue au CNSM de Paris dès 1954 et pendant trente-deux ans) avec qui j'ai travaillé de 1998 jusqu'à sa disparition. Falcinelli était beaucoup plus qu'une « organiste qui compose », et on trouve dans sa musique une véritable démarche, une recherche de compositeur. Curieuse de tout, elle a étudié la musique persane et s'en est inspirée pour composer des œuvres infiniment puissantes comme Mathnavi op 50 (1973), d'après le poème mystique d'Ibrahim Arâqî, reflet des activités de Falcinelli au sein du Centre d'Études des Musiques Orientales (Sorbonne), mais aussi Azân (1977) ou les Miniatures persanes (1974), qui sont pour moi parmi les plus belles pages pour orgue des années 1960-1970 en France. Inutile de dire que Falcinelli était aussi une formidable improvisatrice.
Par la suite j'ai envie de consacrer plus de temps à la musique contemporaine, l'improvisation et peut-être la composition. J'ai aussi entamé un projet de commandes aux jeunes compositeurs suédois pour renforcer le répertoire contemporain nordique. La première pièce était The Fist of Fury de Jesper Nordin, que j'ai créé en mai 2011 et ensuite joué en Europe et aux États-Unis.
Propos recueillis par Michel Roubinet, 18 avril 2012
Hampus Lindwall en concert :
2 mai 2012 à l'église du Saint-Esprit, 186 avenue Daumesnil – 75012 – diffusion sur France Musique le lundi 4 juin de 22 h 30 à minuit.
Dans le cadre de la même émission – Rapprochez-vous du poste – France Musique diffusera le lundi 28 mai le concert d'improvisations donné par Jean Guillou à Saint-Eustache le 2 avril dernier.
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Photo : DR
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