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Trois questions à Richard Dubugnon


Né en 1968, le compositeur franco-suisse Richard Dubugnon est très présent dans l’actualité de cette fin d’année. Un enregistrement de ses Arcanes symphoniques par l’Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon est sorti il y a peu (1 CD Accord) et le concerto pour violon que l’artiste vient de terminer sera donné en création mondiale les 17 et 18 décembre prochains sous l’archet de la Néerlandaise Janine Jansen, avec l’Orchestre de Paris dirigé par Esa-Pekka Salonen. « J’essaie de faire des images avec de la musique », avoue un jeune créateur, qui revendique « une écriture visuelle, dramatique, contrastée, picturale » et se lance à présent dans la rédaction d’un opéra.

Les Arcanes symphoniques vous ont occupé sur une longue période et ont contribué à vous faire mieux connaître du public français. Comment avez-vous été amené à vous lancer dans cette vaste entreprise ?

R. D. : Il s’agit d’un projet très ancien ; depuis longtemps je m’intéresse aux symboles, notamment ceux que l’on trouve dans le tarot de Marseille, et je cherche à m’en inspirer d’un point de vue musical, que ce soient des symboles astrologiques, de la science sacrée ou même des personnages, des couleurs ou des noms de cartes. Avant même de me lancer dans les Arcanes symphoniques, j’avais commencé à utiliser ces thèmes dans de précédentes œuvres et ils parcourent ma production ; ce que j’appelle des « thèmes-symboles ».

J’ai pu me lancer en 2001 dans les Arcanes symphoniques grâce à une série de cinq Alla breve issus d’une commande de Radio France et de René Koering. En 2003, une commande de l’Orchestre Philharmonique m’a donné l’occasion d’écrire les six mouvements suivants et, enfin, en 2006-2007 lors de ma résidence à l’Orchestre National de Montpellier j’ai pu terminer ce jeu de tarot musical que je tenais absolument à compléter.

Comment avez-vous été amené à écrire le concerto pour violon que Janine Jansen et Esa-Pekka Salonen vont bientôt créer à l’Orchestre de Paris ?

R. D. : J’ai connu Esa-Pekka Salonen dans la fosse de l’Opéra Bastille au moment où je jouais Tristan et Isolde sous sa direction (ndlr : Richard Dubugnon est également contrebassiste). Nous avons vite sympathisé. Il s’agit de quelqu’un de « normal », qui va volontiers prendre un verre après les répétitions. Je connaissais déjà assez bien la Finlande et pas mal de compositeurs finlandais car je m’intéressais depuis longtemps à une école qui, dans la plupart des cas, n’a pas versé dans le post-sérialisme. J’aimais déjà beaucoup la musique de Salonen, des œuvres telles que LA Variations par exemple. J’ai à ce moment eu l’occasion de lui présenter mes œuvres : il a immédiatement « accroché » à mon écriture orchestrale et m’a fait part de son envie de collaborer avec moi. Je lui ai alors exprimé mon désir de me lancer, après les Arcanes symphoniques, dans la rédaction d’un concerto pour violon, qui m’apparaissait une nouvelle étape de mon parcours, avant de me lancer dans un opéra. Salonen a tout de suite songé à Jeanine Jansen, une interprète qui sait s’écarter des sentiers battus pour aborder des œuvres rares et qui prend des risques car elle est d’abord convaincue par ce qu’elle joue.

J’ai pris contact avec elle par l’intermédiaire de son agent et après avoir écouté quelques enregistrements elle m’a donné son accord. Elle m’a tout de suite dit son goût pour ma musique – sincère, car elle a par ailleurs programmé quelques une de mes œuvres de chambre à la Philharmonie de Berlin il y a peu et dans son festival à Utrecht fin décembre. Bien qu’elle soit une star internationale, Janine Jansen demeure extrêmement humble et il m’était assez difficile d’avoir un retour sur ce que j’étais en train d’écrire, hormis une ou deux remarques sur des points précis. J’ai donc aussi pris conseils auprès de deux amis violonistes car mon souhait était d’écrire un concerto violonistique, et pas un ouvrage pour un interprète et que l’on ne rejoue jamais après. Je voulais parvenir à un résultat qui tombe bien sous la main car il est important pour moi d’écrire une musique bien faite pour les doigts aussi et pas seulement pour le cœur, les oreilles ou la tête.

La musique vocale va beaucoup vous occuper dans un avenir plus ou moins proche…

R. D. : En effet, le 14 mai au Théâtre des Champs-Elysées, un grand cycle vocal sur un texte de Stéphane Héaume, Le Songe de Salinas, sera donné en création mondiale par Nora Gubisch et l’Orchestre National de France dirigé par Fabien Gabel.

Je viens par ailleurs de me lancer dans un projet d’opéra pour le Staatsoper de Vienne, inspiré de La Pitié dangereuse de Zweig. Je suis actuellement à la recherche du librettiste. L’idée de Dominique Meyer, nouveau directeur de l’Opéra de Vienne, et c’est ce qui m’intéresse aussi, est de renouer avec une dramaturgie d’opéra, des personnages bien définis, une durée d’opéra. Pas de livrer un ouvrage de quarante-cinq minutes ou une heure, un casse tête psychologique où l’on ne chante plus.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 9 décembre 2008

Concert Orchestre de Paris 17 et 18 décembre. Pour plus d’informations sur Richard Dubugnon : www.richarddubugnon.com

Photo : DR

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