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Un piano de conteur - Premier récital français d’Adam Gyorgy
Tout est question de choix. A l’heure matinale où j’entame ce papier je n’ai aucune idée de la manière dont s’est déroulé le concert de Daniel Barenboim dans les deux concertos de Chopin, hier soir à Pleyel sous la baguette d’Eschenbach – un rendez-vous sûrement très couru… -, mais comme les nombreux auditeurs qui ont préféré se rendre au Collège des Bernardins pour y entendre le premier récital français d’Adam Gyorgy, je suis convaincu d’avoir pris la bonne décision.
Nouveau dans l’hexagone donc, le jeune pianiste hongrois (27 ans) est bien loin de l’être dans le reste du monde, et parmi ses apparitions de la Hongrie à la Chine, il faut mentionner un récital très applaudi, le 2 novembre 2008, au Carnegie Hall de New York.
Issu de l’école de piano hongroise (il a été l’élève de Katalin Halmagyi, György Nador et Balazs Retin), ce grand jeune homme souriant, à la démarche élégante et au regard franc, a la particularité de commencer ses récitals par des improvisations de son cru. Un exercice que peu de ses collègues pratiquent et qui a la vertu, en l’espace de trois morceaux hier soir, d’offrir « un sas de décompression » à l’auditeur tout juste sorti de sa journée de travail, du métro ou des embouteillages. Belle invention mélodique et rythmique : Adam Gyorgy établit une relation complice avec son auditoire avant de passer aux œuvres du répertoire. La qualité de son toucher et son sens narratif augurent du meilleur : les pages qui vont suivre ne feront que confirmer cette première impression.
Plénitude du chant, clarté de la polyphonie, richesse d’une sonorité tout à la fois pleine, ronde et lumineuse : le « Jésus que ma joie demeure » dans l’arrangement de Myra Hess est un pur moment d’humanité et de poésie.
Quant à la Ballade n°1 de Chopin qui suit elle montre un artiste à la technique solide mais sans arrogance, un jeu près du clavier qui sait extraire tout le « fruit » de la musique. Gyorgy ne précipite rien, prend le temps de sculpter le son, de raconter. Même dans les passages les plus virtuoses, la note n’ « aboie » jamais, pour reprendre la formule de Chopin. Ce piano de conteur et de poète a mieux à faire que d’épater la galerie, de céder au clinquant et c’est par la seule musicalité qu’il touche sa cible. La paraphrase de Rigoletto est d’abord une célébration du bel canto, menée avec un chic et un charme fous, tout comme La Campanella où l’instrument scintille de mille couleurs.
Passionné par Vladimir Horowitz – il prépare un doctorat intitulé « V. Horowitz et son influence sur la musique du XXe siècle -, Adam Gyorgy termine son récital par deux pages qui tiennent lieu d’hommage au virtuose admiré : la Carmen Fantaisie et la Marche nuptiale de Mendelssohn adaptée par Liszt et revue par Horowitz et… Gyorgy. On ne lui en veut aucunement pour quelques accrocs dans la Fantaisie ; ils prouvent que les nerfs de l’interprète sont parfaitement prêts à affronter un petit accident – c’est l’endroit du programme où il aurait sans doute fallu se ménager une petite plage de calme... Quant au Mendelssohn il conclut la soirée avec un chic, un lyrisme et une élégance irrésistibles. Et la séduction opère : standing ovation immédiate récompensée de deux bis de la même eau ; la Rhapsodie hongroise n°2 de Liszt et le Vol du bourbon
. Adam Gyorgy : vous n’allez pas tarder à réentendre parler de lui !
Alain Cochard
Nef du Collège des Bernardins, le 29 septembre 2009
Pour en savoir plus sur Adam Gyorgy :
www.adamgyorgy.com
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Photo : DR
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