Journal
Une interview de Francis Maréchal, directeur général de la Fondation Royaumont
Au fil des ans, la saison musicale de la Fondation Royaumont s’est beaucoup étoffée et enrichie, reflétant la diversité des disciplines que l’abbaye du Val d’Oise accueille pendant toute l’année. Tandis que le public s’apprête à découvrir la programmation 2010 à partir du 3 septembre, Francis Maréchal, Directeur général de la Fondation, détaille celle-ci et souligne l’esprit d’un lieu où les artistes ont désormais pour habitude d’inviter le public à suivre la maturation de leur travail dans le cadre des « Fenêtres sur cour(s) »
« Royaumont est un lieu où des artistes viennent travailler, étudier, rechercher, créer et, à partir de là, nous avons décliné un certain nombre de formes de rencontres avec le public, sachant qu’au départ la saison musicale ne comportait qu’une dizaine de concerts et s’est progressivement étoffée. La première forme inventée à Royaumont a été les « Fenêtres sur cour(s) » ; des temps de rencontre des artistes avec le public à l’issue d’une session, qui montrent « à chaud » l’état de leur travail. Cette formule s’est bien développée depuis sont lancement vers le début des années 2000. Nous en sommes à une moyenne de 25-30 « Fenêtres sur cour(s) » en moyenne chaque année. Elles jalonnent l’ensemble de l’année, il n’y pas de saison ; elles correspondent en fait à la continuité des activités résidentielles des artistes à Royaumont. Les « Fenêtres sur cour (s) » donnent non seulement au public l’occasion de voir l’envers du décor, comment les choses se préparent, comment les artistes travaillent à Royaumont, et de rencontrer les artistes car l’atmosphère est très conviviale, avec un public pas trop nombreux pour faciliter les contacts, mais elles permettent aussi aux spectateurs de se préparer à ce qui sera l’objet fini, présenté dans les cadre de la Saison musicale. C’est une formule qui remporte un beau succès et réunit un public extrêmement fidèle et passionné.
N’avez-vous pas eu du mal à convaincre les artistes de la nécessité de présenter dans le cadre de ces « Fenêtres sur cours(s) » un travail pas encore terminé, abouti ?
F.M. : A Royaumont, une relation un peu particulière s’établit avec les artistes qui savent, quand ils viennent chez nous, qu’ils assument une prise de risque. Ils viennent se remettre en question, investiguer, étudier de nouveaux répertoires et cet état d’esprit facilite les choses. En revanche, il est vrai que ce que garantit aux artistes la Fondation Royaumont c’est une forme de confidentialité, une possibilité de se « mettre à nu » en quelque sorte dans un huis clos et que, avec les Fenêtres sur cour(s), on leur propose une exposition au public. Mais il a suffi de leur rappeler quel est l’état d’esprit de ces rencontres, que le public ne vient pas juger un produit fini mais partager une aventure avec des artistes qui sont encore en recherche et ces arguments ont fini par les convaincre, assez facilement il faut le reconnaître, de mener ce type de travail exposé devant le public. A de rares exceptions près ça se passe très bien et je dois dire que c’est un moment qui, d’une certaine manière, est attendu par les artistes. Je pense par exemple au très bel atelier que nous venons de faire autour de Katia Kabanova de Janacek avec André Engel, ce magnifique metteur en scène, Ruth Ortmann et Irène Kudela. Ce n’est pas une « mise en scène » de Katia Kabanova qui a été présentée au public, mais le travail sur l’ensemble de l’ouvrage qui a été mené par de jeunes artistes et une « vérification » si je puis dire de ce qu’ils avaient pu travailler avec André Engel dans l’intimité de l’abbaye. Cette vérification devant un public a été quelque chose d’extrêmement apprécié et même souhaité par les artistes, alors que du point de vue d’André Engel il ne s’agissait surtout pas d’une mise en scène achevée de l’ouvrage de Janacek.
Comment avez-vous construit la saison 2010 qui s’ouvre le 3 septembre prochain ?
F.M. : La programmation de la saison musicale traduit toutes les pistes de travail proposées aux artistes tout au long de l’année à Royaumont. Contrairement à beaucoup de saisons, de festivals, nous n’avons pas de fil conducteur, de thème et, même si cela peut être parfois frustrant, nous nous l’interdisons. Nous revendiquons la singularité des répertoires mis en valeur et la diversité des propositions. Comme les années précédentes, la saison qui commence bientôt est marquée par un grand éclectisme qui correspond aussi bien aux recherches du programme sur la voix – historiquement un programme qui a fortement structuré la saison musicale de Royaumont -, qu’à celles du programme claviers, instauré il y a deux ans, ou encore celles du programme voix nouvelles, dirigé par Marc Texier et qui apporte sa contribution aux créations, ou celles du programme sur les musiques orales et improvisées, à mi-chemin entre le patrimoine et la création. Tout cela donne finalement un ensemble d’environ 35 concerts et spectacles, auxquels il faut ajouter ceux de danse, discipline qui a droit de cité à Royaumont depuis un certain nombre d’années.
La programmation comporte à la fois des œuvres du répertoire, mais d’un répertoire un peu oublié et que nous essayons de faire connaître au public, et aussi une forte présence de la création. Le premier week-end de la saison me paraît très symptomatique de son esprit général puisque l’on aura à la fois une création électro-acoustique que nous avons commandée au jeune compositeur David Hudry. Celui-ci s’est emparé de l’espace magnifique du cloître dont le jardin vient d’être réaménagé. Nous aurons aussi le premier concert des Cris de Paris et de Geoffroy Jourdain dans le cadre de leur résidence à Royaumont au cours duquel ont entendra deux créations, de Marco Stroppa et Ivan Fedele.
Par ailleurs, le concert de l’Ensemble PhilidOr donnera lieu à une expérience assez passionnante : la mise en parallèle de la Gran Partita pour vents de Mozart et d’une commande passée compositeur argentin Daniel D’Adamo – un familier de Royaumont -, commande pour le même effectif instrumental que celui de la Gran Partita que l’auteur a intitulée « Nuits-Cassation ». A Royaumont, nous aimons jouer sur les caractéristiques acoustiques des différents lieux de l’abbaye. Pour ce concert, la Gran Partita se déroulera en plein air dans le jardin du cloître et, pour la première fois, le public sera invité à assister au concert depuis les terrasses du cloître, qui offrent une vue splendide sur le jardin, tandis que la création de D’Adamo sera jouée dans l’ancien réfectoire des moines – lieu principal de nos concerts.
Vous constatez que nous sommes dès ce premier week-end dans le mélange des genres cher à Royaumont. Sans parler de ce que nous ferons durant la journée du 5 septembre autour d’œuvres chorégraphiques qui associent de jeunes chorégraphes à de jeunes compositeurs et des dispositifs vidéo : une création pour quatre danseurs, intitulée « ICI », et une autre pour deux danseurs : « PLI ». En un week-end on a donc la tonalité générale de la saison de Royaumont.
Créations contemporaines, répertoires méconnus caractérisent Royaumont, mais vous contribuez aussi à révéler des interprètes : une certaine Natalie Dessay a donné son premier récital à Royaumont il y a quelques années maintenant…
F.M. : Absolument, et nous sommes très heureux de retrouver Natalie Dessay qui, lorsqu’elle était étudiante puis jeune chanteuse en début de carrière, a beaucoup fréquenté les sessions de Royaumont. Elle a d’ailleurs donné son premier récital chez nous en 1992, accompagnée par ce magnifique pianiste qu’est Ruben Lifschitz – qui prépare nos jeunes chanteurs et pianistes aux récitals de chant. Nous avons cette saison proposé à Natalie Dessay, mais aussi à la mezzo Isabelle Druet, une autre ancienne de Royaumont, de s’associer à l’Orchestre Les Siècles de François-Xavier Roth et aux Cris de Paris, pour donner à entendre une oeuvre dont la Bibliothèque François Lang vient de faire l’acquisition des épreuves corrigées de la main de Debussy : La Damoiselle élue, composée pendant le séjour du compositeur à la Villa Medicis. Un concert un peu exceptionnel qui aura lieu le 26 septembre et qui correspond à l’esprit de fidélité dans lequel se situe Royaumont. Nous aimons accompagner les artistes sur la longue durée : Francesco Filidei qui a été un étudiant du cours de composition de Royaumont enseigne à son tour cette année. Par ailleurs, nous retrouverons Olivier Martin-Salvan, ce magnifique comédien que nous avions révélé dans cette production, presque légendaire oserai-je dire, du Bourgeois Gentilhomme de Molière et Lully avec Benjamin Lazar et Vincent Dumestre. O.M. Salvan jouait Monsieur Jourdain. Depuis il a fait un magnifique one man show sur le parcours acrobatique du jeune chanteur en début de carrière, « Ô Carmen », qui sera repris le 1er octobre.
Pour conclure, une nouveauté de caractère certes très pratique mais essentielle pour la fréquentation de Royaumont accompagne le démarrage de la Saison 2010 : des navettes (sur réservation) pour le retour sur Paris complètent celles déjà disponibles en gare de Viarmes pour accéder à l’abbaye…
F. M. : Nous ne voulions en effet pas être trop tributaires de la Sncf, et puis souvent à la fin du concert, avec les bis, on s’attarde un peu... Pour apaiser toutes les inquiétudes du public quant à son retour, nous avons décidé de proposer un service en car, directement au centre de Paris. Ce qui permet de goûter avec un maximum de sérénité à une soirée passée à Royaumont.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 25 août 2010
Saison musicale de Royaumont
Abbaye de Royaumont (Val d’Oise)
Du 3 septembre au 10 octobre 2010
Infos, réserv., navettes : 0134 68 05 50
www.royaumont.com
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Photo © Agathe Poupey
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