Journal
Une interview de Karine Deshayes — Passage de relai
Tout juste sortie d’un enregistrement mozartien avec Jérôme Corréas et ses Paladins, Karine Deshayes s’apprête à retrouver les huit duos lauréats de l’Académie Orsay-Royaumont à partir du 24 octobre pour la deuxième des quatre sessions de la saison 2022-2023 – fidèle complice de la mezzo depuis près d’un quart de siècle, la pianiste Hélène Lucas sera à son côté. On en découvrira les fruits dès le 27 octobre au musée d’Orsay à l’occasion d’une Promenade d’automne impliquant quatre duos : Cyrille Ndjiki-Nya & Kaoli Ono, Bianca Andrew & Dylan Perez, Fabien Hyon & Juliette Sabbah, Adrien Fournaison et Natallia Yeliseyeva. Une « fenêtre sur cour » suivra, à l’Abbaye de Royaumont, le 30 octobre (1), avec l'ensemble de la promotion. Karine Deshayes répond à Concertclassic à l’approche d’un passage de relai – impatiemment attendu ! – avec de jeunes collègues.
Quant à la suite de l'automne de Karine Deshayes, notez qu'on la retrouvera sur la scène de l'Opéra-Comique, le 27 novembre, pour fêter ses 25 ans de carrière dans le cadre d'un "Instant Lyrique". Des amis chanteurs et musiciens tels que Philippe Jaroussky, Cyrille Dubois, Paul Gay, André Cazalet, Pierre Génisson, Geneviève Laurenceau, Antoine Pallo, Mathieu Pordoy et l'Ensemble Contraste lui tiendront compagnie.(2)
Y a-t-il dans vos souvenirs de l’époque où vous étiez étudiante ou débutante des moments d’échange entre un professeur et vous dont l’impact et l’utilité, tant sur le moment que dans la durée, vous font vous dire aujourd’hui, avec la carrière qui est la vôtre, que la transmission envers la jeune génération est un devoir ?
Oui et je pense à deux personnes en particulier, d’ailleurs étroitement associées à Royaumont. Dès 1998, j’ai eu la chance de participer aux sessions avec Ruben Lifschitz autour du lied et de la mélodie. Un étape vraiment essentielle dans mon parcours ; c’est ce qui m’a guidée dans les choix de ma carrière et je n’ai jamais voulu abandonner le récital à côté de l’opéra.
La deuxième rencontre, très importante même si elle a été plus brève (car, s’agissant de Ruben Lifschitz, même quand j’étais en troupe à l’Opéra de Lyon, je continuais à le retrouver tous les week-ends à Royaumont), c’est Régine Crespin. Quelle chance j'ai eue de la rencontrer en 2002, à l’occasion d’une masterclass autour de Berlioz dont le but était de chanter Béatrice et Bénédict avec l’Orchestre de Paris à l’Opéra-Comique – un projet magnifique ! Reste que la dizaine de jours passés à travailler avec elle, nous a aussi laissé le temps d’aborder les Nuits d’été et de parler de la difficulté de trouver les bonnes tonalités dans un cycle initialement conçu pour des tessitures différentes. J’ai fait le choix de mes tonalités grâce à Régine Crespin.
Aux souvenirs magnifiques avec Ruben Lifschitz et Régine Crespin à Royaumont, il me faut ajouter une session avec Gérard Lesne autour de Scarlatti, extrêmement enrichissante.
J’imagine donc qu’il n’a pas fallu vous prier lorsque l’Académie Orsay-Royaumont vous a proposé d’encadrer la deuxième semaine de résidence de la saison 2022-2023 ...
Evidemment non ! C’est même émouvant de penser que le moment est venu de passer de l’autre côté ... Je ne suis pas du tout professeur ; quand on mène une carrière de chanteur lyrique, il est complètement impossible de suivre un élève de manière régulière. La formule masterclass est plus facile à « caser » dans nos emplois du temps.
Quelle vous semble être la principale difficulté face aux jeunes chanteurs que vous allez bientôt retrouver à Royaumont ?
La première difficulté est de se dire que je ne suis pas leur professeur ; ils ont déjà un enseignement, pédagogique et technique, par rapport à la voix. Il faut parvenir à faire passer des choses sans trop les déstabiliser ; réussir à leur dire des choses qu’ils pourront comprendre et corriger rapidement. Même nous, ça fait réfléchir car nous avons tous des facilités et des points que nous avons dû travailler d’avantage ...
A Royaumont, vous allez certes avoir affaire à de jeunes chanteurs, mais il s’agira d’abord de faire travailler des duos chant/piano ...
En effet, et c’est pour cela que je viens avec Hélène Lucas. Hélène accompagnait les sessions de Ruben Lifschitz à Royaumont et était déjà ma pianiste à l'époque. J’ai commencé à travailler avec elle dès 1998 et nous étions toutes deux réunies il y a peu à l’auditorium du musée d’Orsay.(3) Ma carrière à l’opéra m’absorbe beaucoup ; c’est toujours un grand bonheur de nous retrouver en récital.
Les œuvres travaillées à Royaumont relèvent-elles de votre choix ?
Pas du tout, se sont les duos qui les proposent, rien ne leur est imposé sur ce plan. Je m’impatiente d'être à Royaumont pour ce moment de passage de relai avec la jeune génération. Ça m’intéresse vraiment : j’ai hâte !
Propos recueillis par Alain Cochard le 6 octobre 2022
(1) www.royaumont.com/evenement/fenetre-sur-cours-academie-orsay-royaumont-4/?date=30/10/2022T18:00
(2) www.opera-comique.com/fr/spectacles/karine-deshayes-friends
(3) www.concertclassic.com/article/recital-karine-deshayes-lauditorium-du-musee-dorsay-noble-palais-marbre-latin-compte-rendu
« Promenade d’automne » de l’Académie Orsay-Royaumont
Avec Cyrille Ndjiki-Nya & Kaoli Ono / Bianca Andrew & Dylan Perez / Fabien Hyon & Juliette Sabbah / Adrien Fournaison et Natallia Yeliseyeva
Musée d’Orsay (Niveaux 0, 2 & 5)
27 octobre 2022 – A partir de 18h15
www.musee-orsay.fr/fr/agenda/evenements/promenade-dautomne
Photo © Aymeric Giraudel
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