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Vasily Petrenko et l’Orchestre Philharmonique d’Oslo - Haut voltage - Compte-rendu
Il a pris de bonnes habitudes, le Philharmonique d’Oslo, depuis que Mariss Jansons lui donna ses ailes. Malgré le départ du maestro en 2002, il n’a rien perdu de sa précision, de son énergie, et d’une formidable aptitude à répondre aux moindres souhaits du chef. Ce doit être exaltant, quand on lève la baguette, la tête pleine d’une foule de subtiles et impérieuses intuitions musicales, de savoir qu’on dispose d’un tel instrument. Et quand Vasily Petrenko lève la baguette, c’est quasi d’un arc électrique qu’il s’agit : voici donc, avec ce jeune chef (35 ans) un de ces nouveaux phénomènes, façon Andris Nelsons, Mikko Franck ou Gustavo Dudamel, qui enflamment le public. Au point qu’il prendra l’orchestre totalement en mains dès 2013-2014, à la suite de Jukka-Pekka Saraste. Les musiciens n’auront pas de temps mort tant est puissante et conquérante la pensée du jeune maestro !
Le concert, astucieusement équilibré, avait commencé avec une pièce de mise en forme pour l’orchestre, et particulièrement pour les percussions, du norvégien Rolf Wallin, Act, parfaite pour abattre toutes les cartes et respecter le quota à la fois contemporain et national nécessaire dans ce type de tournée. On ne s’en est pas plaint, la progression rythmique et sonore étant de taille à faire oublier les vicissitudes de la rue et du temps.
Puis entrée en scène de Joshua Bell, l’éternel charmeur, « very old fashioned boy », comme il se définit, qui, du bout de son archet, raconte des histoires tendres, avec une plume (le mi) absolument aérienne. L’heureuse choisie étant le Concerto de Sibelius, on a baigné dans l’euphorie, avant d’un peu trop s’y plonger, car tel est le problème avec Bell, lequel ayant au plus haut point le défaut de sa qualité se complait abusivement dans le moelleux, alors qu’on attendrait plus de chair. Petrenko, filtrant l’énergie de l’orchestre avec ses longs bras, épousait élégamment ce phrasé qui n’est sans doute pas le sien.
Enfin, et c’est là que l’orchestre s’est envolé, et nous avec, la 4ème Symphonie de Tchaïkovski, celle où le destin commence à frapper ses coups, comme il continuera de le faire dans les deux suivantes. Avec ses gestes fins, presque sobres mais miraculeusement efficaces, Petrenko y a déployé une vision nous rapprochant des chocs habituellement reçus dans Chostakovitch, entre des silences dont on admire la qualité, des décharges abruptes rompant toute tendance à un romantisme qui n’est pas le fait de ce chef nouvelle génération, et surtout une tension entre les strates de l’orchestre, les instruments se détachant avec une agressivité contenue, comme si chacun entrait en conflit avec les autres voix de cette bataille symphonique. On n’oubliera pas le dialogue âpre et douloureux entre cordes et bois pendant l’adagio, tendant vers une harmonie qui se refuse. Une de ces exécutions dont on sort oppressé, vidé, sans parler de l’orchestre, que le chef, pour répondre à l’enthousiasme du public, a entraîné en bis dans la douce Vocalise de Rachmaninov pour le cravacher enfin dans le Trepak échevelé du Casse-noisette de Tchaïkovski. Avec un remarquable sens de l’alternance et de l’équilibre au sein des extrêmes. Epuisant et profond.
Jacqueline Thuilleux
Paris, Salle Pleyel, 30 novembre 2011
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Photo : DR
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