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Xavier Phillips et Shiyeon Sung à l’Orchestre national d’Île-de-France – Mélange fort en goût – Compte-rendu
C’est à une certaine complicité, une certaine exigence, une certaine façon de réagir aux brutalités du monde que ce concert voulait rendre hommage. Avec la mise en regard de deux grands pacifistes, deux immenses musiciens maintenant le cap de l’humanisme à un moment de l’histoire où il avait été le plus menacé : Chostakovitch et de Britten, qui se connurent et s’apprécièrent et dont les quatre œuvres présentées ici se sont étagées entre 1940 et 1959.
Pour la circonstance, Enrique Mazzola avait laissé la baguette à une chef(fe) coréenne d’une redoutable énergie, d’une vigueur quasi belliqueuse, Shiyeon Sung (photo), qui a su mettre à profit les progrès spectaculaires réalisés par l’Orchestre national d’Île-de-France ces dernières années, car, par delà les envolées pléthoriques des grandes symphonies, rien n’est plus dangereux que le délicat désossement impliqué par un divertissement tel que The Young Person’s Guide to the Orchestra que Britten composa sous forme d’un thème de Purcell suivi de treize variations et d’une fugue. Un exercice savoureux pour les auditeurs, dans lequel Prokofiev avait déjà brillé dix années auparavant avec Pierre et le Loup, et où chaque instrument se trouve mis à nu, mine de rien. Le public raffole de ce genre de leçons de choses, qui dédramatise l’orchestre, et celui-ci n’a qu’à bien se tenir. Les qualités des différents pupitres de l’Ondif ont été remarquablement mises en valeur, tandis que la longue silhouette de Pierrot lunaire d’un Tom Novembre toujours aussi paisible accompagnait ces variations et que sa voix à la fois chaleureuse et ironique ajoutait par son commentaire débonnaire au charme du défilé sonore.
© Xavier Phillips © Caroline Doutre
C’était là le point d’orgue du concert commencé sur l’Ouverture de fête de Chostakovitch, composée pour célébrer le trentième anniversaire de la Révolution russe en 1947, et qui ne fut guère chaleureusement accueillie par le tyran rouge. Elle s’est heureusement rattrapée depuis, devenant une sorte de Pomp and Circumstance, qui accompagne maintes cérémonies officielles à travers le monde. Ensuite, superbe Concerto pour violoncelle n° 1 de Chostakovitch par un Xavier Phillips qui s’épanouit dans ce discours avec une grande aisance, d’un archet plus tonique que velouté. La fusion du soliste et de l’orchestre, d’une grande force, a tenu en haleine durant toute l’œuvre, écrite pour Rostropovitch et devenue l’un des chevaux de bataille du répertoire. Ouverte sur les initiales DSCH, en une adresse que les quatre coups d’archet appuyés ont rendue fameuse, elle ne se contente pas d’effets virtuoses ou mélodiques: colorée, vigoureuse, elle est d’une densité à laquelle les grands concertos ne parviennent pas toujours.
Quant à la Sinfonia da Requiem que Britten écrivit en 1940, en réaction contre l’horreur du conflit mondial déclenché quelques mois auparavant, elle surprend toujours par ses épisodes contrastés et parfois rutilants, même si Britten a voulu y mettre les accents d’un Dies irae. Foncièrement bon, le compositeur n’a pu trouver les accents terribles qui évoqueraient colère et foudres divines. Il séduit, et emporte vers un monde meilleur, comme celui auquel il tendait. Une musique qui lui ressemble vraiment, au-delà même de ses buts affirmés et que Shiyeon Sung a dirigée avec un enthousiasme qui ajoutait au caractère positif d’une œuvre portée par le désir du bien, du beau.
Jacqueline Thuilleux
Cité de la Musique, le 18 avril 2019. www.orchestre-ile.com
© Yongbin Park
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