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Jonas Kaufmann en récital au Festival Castell Peralada 2018 – Superlatif – Compte-rendu
Fort demandé même au cours de l'été, Jonas Kaufmann (photo) n'a pas hésité à retrouver pour la troisième fois les amateurs d'opéra qui se rendent chaque année au cœur de la Catalogne, à Peralada. Dans une condition vocale superlative et juste avant de s'envoler pour Munich pour un dernier Parsifal avant des vacances bien méritées, le ténor s'est une fois de plus singularisé dans un programme d'airs français et allemands.
Supérieur à sa récente prestation discographique (récital « L'Opéra » Sony) l'air introductif de Roméo et Juliette « Ah lève-toi soleil » a sonné de façon resplendissante, le timbre chatoyant, la diction parfaite et la conduite du souffle s'avérant irréprochables, le chanteur osant de longs filati dont il a le secret et un messa di voce de haute école.
Sans rival dans l'air de Don José qui l'accompagne depuis longtemps déjà et dans lequel il continue de briller, dramatique à souhait, Kaufmann a atteint des sommets d'expressivité et d'intensité musicale dans « Rachel, quand du Seigneur » qu'il n'avait pas eu le temps de s'accaparer en studio et qu'il a abordé ici avec une science du verbe et du contrôle absolument inouïs.
Avec le fameux air du Cid, donné en première en 2014, interprété ici avec brio et une voix d'une rare homogénéité prenait fin une première partie confusément dirigée par Jochen Rieder face aux forces de l'Orchestre du Teatro Real de Madrid, visiblement désemparées par tant d'approximation.
La voix large, brillante et nuancée de Kaufmann s'est ensuite illustrée dans Wagner ; son répertoire de prédilection. Du Siegmund de Die Walküre, l'interprète possède tout, de l'endurance à la clarté, de la puissance à la douceur, comme si le rôle, sans doute le mieux écrit pour sa tessiture, avec celui de Parsifal et de Lohengrin avait été composé pour son instrument. « Morgenlicht leuchtend » extrait des Meistersinger, avec ces accents juvéniles et ces exquises colorations dans l'aigu était renversant et pourtant nous n'avions pas encore entendu le récit du Graal. Enchaîné avec le Prélude, « In fernem Land » (donné dans la version complète en deux strophes que l’on trouve dans l'album Wagner dirigé par Donald Runnicles –Decca/2013) a été miraculeux. Les premières notes chantées sur un fil, comme en apesanteur ont immédiatement transpercé l'âme et atteint le public en plein cœur. Le chanteur comme en lévitation semblait nous conduire vers l'au-delà, gourou vocal fascinant, utilisant sa voix pour mieux nous hypnotiser. Adepte de cet original supprimé par Wagner en dernière minute pour éviter que l'attention des auditeurs ne se relâche, Kaufmann a confirmé qu'il demeure un Lohengrin intouchable malgré Vogt et Beczala ...
Après un tel marathon nous n'imaginions pas que le ténor munichois avait prévu de contenter son public avec trois bis. Son Lied d'Ossian d'une beauté ineffable a fait frissonner d'extase les festivaliers avant que ces derniers ne succombent à l'écoute d'un « Winterstürme » idéalement phrasé, chanté avec une poésie et une simplicité sans égale. Le « Traüme » conclusif des Wesendonck-Lieder, spécialement donné en souvenir de Carmen Mateu, douce invitation au rêve et à l'amour (comme au second acte de Tristan und Isolde qui reprend ce thème) a laissé le public bouleversé et heureux d'avoir pu assister à un concert qui restera gravé dans toutes les mémoires.
François Lesueur
Festival Castell Peralada, 28 juillet 2018
Photo © DR
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