Quel est le premier opéra de l’histoire de la musique ? L’Orfeo (1) de Claudio Monteverdi (1567-1643) répond-on communément. Et pourtant, d’autres œuvres, oubliées par l’histoire, peuvent très légitimement prétendre au titre.
 

Quelques rappels sur les origines du genre opératique : au crépuscule du 16^e siècle se réunit à Florence un conclave d’artistes et d’intellectuels qui gravitent autour du comte Giovanni Bardi. Ce groupe, appelé Camerata Bardi ou Camerata Fiorentina, réunit des musiciens et des poètes (parmi lesquels Vincenzo Galilei, père de Galileo Galilei - « Galilée » en français) ayant pour ambition de donner un souffle nouveau à la musique de leur époque.

A cette fin, les florentins se tournent vers la tragédie grecque (dont ils ont une vision assez erronée), et se proposent de mêler l’art dramatique et l’art lyrique. Ils théorisent notamment un style de chant très proche de la parole, qu’ils espèrent plus apte à émouvoir : c’est la naissance du récitatif.

 

Il importe ici de mentionner un personnage marquant : Jacopo Peri (1561-1633). Membre de ladite Camerata, il est le compositeur des deux œuvres que les spécialistes citent le plus souvent comme étant « le premier opéra ».

Notre premier prétendant est Dafne, une « pastorale » de 1597 généralement considérée comme un proto-opéra. Son véritable degré d’aboutissement s'avère cependant difficile à jauger car seul le livret d’Ottavio Rinuccini (lui aussi membre de la Camerata) nous est parvenu. La musique, elle, a été perdue.

L’autre candidat, c’est Euridice, également sur un livret de Rinuccini. Cet opéra, que beaucoup considèrent comme le premier, est en effet composé en 1600, soit sept ans avant que Monteverdi ne marque l’histoire avec une œuvre inspirée du même mythe.

 

Jacopo Peri en costume de scène

Pourquoi donc l’Orfeo est-il si souvent cité s’il ne s'agit en fait pas du tout premier opéra ? Il faut probablement attribuer cela à l’ampleur de la production et au succès du chef-d’œuvre de Monteverdi : destiné à la cour du riche et puissant duc de Mantoue, à l’occasion du Carnaval, l’Orfeo marque les esprits par une mise en scène ambitieuse et par la qualité de sa musique.

D’autres œuvres encore s’inscrivent dans la constellation des « premiers opéras » : la Rappresentatione di anima e di corpo, de Cavalieri (membre aussi de la Camerata Bardi), considéré comme le premier oratorio (1600), ou l’œuvre collective La Pellegrina… Cependant, la réponse est plus simple : il n’y a pas vraiment de « premier opéra ». S’il y en avait un, ce serait sans doute l’Euridice, mais cela est-il pertinent ? Il est délicat de tracer les frontières d’un genre artistique, et l’histoire de la musique est écrite par une multitude d’œuvres qui s’inscrivent dans une longue progression.

 

 

(1) Orfeo a été créé en février 1607 à Mantoue

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