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Festival d'automne à Paris, de si belles promesses...
C'est en 1972 que Michel Guy crée avec le soutien du Ministère de la culture, le Festival d'automne à Paris. Sa mission était de "passer commande à des créateurs", de "présenter et susciter des démarches d'ordre expérimental, d'être à l'écoute de tout ce qui vient perturber nos habitudes", "d'accueillir des oeuvres significatives inédites en France" et "de témoigner des cultures extra-occidentales".
Dans les premières années, le festival a programmé un nombre impressionnant d'artistes dont Merce Cunningham, Robert Wilson, Luigi Nono, Romeo Castellucci, William Forsythe, Anne Teresa de Keersmaeker, entre autres. Ces artistes, dans les années 70, 80, 90, bousculaient les scènes artistiques, renouvelaient les langages esthétiques, suscitaient les débats, provoquaient les spectateurs.
Aujourd'hui, programmés par toutes les scènes et par tous les festivals du monde, ces artistes sont devenus les références de notre modernité et les icônes de notre panthéon artistique. Le langage de chacun de ces artistes est abouti et connu de tous.
Depuis 2012, le Festival d'automne à Paris programme des "portraits d'artistes". Initiative plutôt louable mais qui présente le travail d'artistes très connus : Maguy Marin (2012), Robert Wilson (2013), William Forsythe (2014), Romeo Castellucci (2014 et 2015), Luigi Nono (2014 et 2015), Jérôme Bel (2017), Merce Cunningham (2019), etc. Il ne s'agit pas de remettre en cause la qualité de ces artistes. Bien au contraire, ils sont géniaux ! Géniaux mais programmés très souvent, un peu partout dans le monde, et ne représentant pas la jeune génération.
Pourquoi un festival dont la vocation est de présenter les créateurs du monde d'aujourd'hui, voit la moitié de sa production composée d'artistes qui en ont fait ses heures de gloire et qui ont globalement plus de 55 ans, voire sont décédés ? Pourquoi est-ce que ce sont toujours ces mêmes artistes qu'il met en avant et ce, depuis 40 ans ?
Est-ce le rôle de ce festival de présenter le centenaire de Merce Cunningham ou la musique de Claude Vivier (mort en 1983) ? Si sa mission est de mettre en valeur la création artistique d'aujourd'hui, la réponse est non. Si les objectifs du festival ont changé pour une célébration des icônes de l'art moderne de la fin du XXe siècle, alors c'est oui. Mais on serait passé d'une attitude "d'écoute de tout ce qui vient perturber nos habitudes" à celle de ré-entendre, re-voir, ré-écouter ce que nous connaissons déjà. En 1972, la philosophie du festival semblait héritée de Mai 68, dite "anti bourgeoise". Aujourd'hui, elle semble avoir fait un virage à 180°.
Bien sûr, en parallèle de ces "portraits d'artistes", le festival programme des artistes plus jeunes et moins connus. Pour parler de musique, le sujet qui nous concerne le plus, l'édition 2019 met à l'honneur Mark Andre, Matthias Pintscher, Calixto Bieito ou Benedict Mason. Mark Andre a 55 ans, Matthias Pintscher est le directeur musical de l'Ensemble Intercontemporain depuis 2013, Calixto Bieito est invité en tant que metteur en scène par les plus grandes scènes lyriques et Benedict Mason a 65 ans. Nous n'avons absolument rien contre ces artistes, bien au contraire, mais on ne peut pas dire qu'ils incarnent la nouvelle génération.
On a du mal à croire que la programmation du Festival d'automne à Paris soit guidée par sa mission première d'être à l'écoute des créateurs de son époque. C'est bien dommage car c'est ce qui lui a permis d'être souvent précurseur dans ses choix et de faire découvrir au public certains artistes capitaux. En côtoyant le monde musical et artistique depuis une vingtaine d'année, on constate qu'il y a un gouffre entre cette programmation et l'activité artistique d'aujourd'hui, en ébullition. Mais pour en rendre compte avec une certaine fidélité, il faudrait faire preuve d'une grande curiosité et sortir de sa zone de confort, pour aller vers de nouveaux terrains et de de nouvelles formes artistiques, ce que visiblement le Festival d'automne à Paris fait timidement encore cette année.
Christophe Cornubert
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