Tous ces fabuleux danseurs que sa caméra a suivis pendant des décennies, les fixant en des témoignages précieux, surtout au moment le plus subtil de leur carrière, la passation, c'est-à-dire l’essence même de l’art lorsque le corps ne suit plus, mais seulement l’âme – impérissables séquences sur Verdy ou Chauviré notamment –, Dominique Delouche (1) cette fois, les épingle amoureusement sur le grand rideau rouge de ses souvenirs. Il les a tous vus, beaucoup aimés, et aujourd’hui il les croque, d’une plume aussi fine que ses images.

Dominique Delouche © DR
 
Mais là, il est libre et son verbe est parfois aussi acéré qu’admiratif, ainsi pour l’insupportable et formidable Maïa Plissetskaïa. Petits portraits tracés d’une main bien française, qui dit tout en quelques mots, sans concession ni méchanceté, car ils l’ont nourri, tous ces beaux monstres ! Admiration éperdue pour certains, comme Lifar, humour pour la délicieuse Lady Alicia Markova, profondeur renversante et presque philosophique, pour des créateurs aussi complexes que Neumeier, Béjart ou Robbins, formules claquantes : vestale, sphinge, spectre… Tout ici est grave et spirituel à la fois. Une marque de fabrique de ce fou de danse, mais qui ici choisit son camp, celui de l’Harmonie, puisque la couverture est illustrée par Michael Denard, dans l’impérial Apollo mis en pas par Balanchine.
 
Jacqueline Thuilleux

La Danse, le désordre et l’Harmonie, par Dominique Delouche (Orizons, 130 pages, 15 illustrations, 20€)
 
(1)    www.concertclassic.com/article/une-interview-de-dominique-delouche-cineaste-memoire-de-la-danse
        www.concertclassic.com/article/yvette-chauvire-1917-2016-la-dame-blanche-sen-est-allee