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Simon Boccanegra avec Christian Gerhaher à Zurich (Replay ARTE Concert – Les (nombreuses) antichambres du pouvoir – Compte-rendu
Depuis l’éblouissement provoqué par sa Frau ohne Schatten à Genève en 1992, Andreas Homoki n’a plus tutoyé les mêmes sommets, ce qui ne l’a pas empêché de faire une belle carrière et d’être actuellement intendant de l’Opéra de Zurich. Il vient d’y monter un Simon Boccanegra que l’on peut visionner sur Arte Concert jusqu’au 20 janvier, qui marquait les débuts de Christian Gerhaher (photo) dans le rôle-titre. Transposée dans les années 1920 (le prologue situé un quart de siècle avant oppose les casquettes de la plèbe au haut-de-forme de Fiesco), l’action se déroule entièrement dans un dédale de salles et de couloirs dont les murs blancs sont percés de hautes portes, comme autant de palais du gouvernement dans lesquels rôdent les protagonistes.Ce décor est en rotation permanente, et révèle des pièces différentes où figurent quelques accessoires symboliques : une barque échouée représente la cachette de la fille de Boccanegra, une image de la vierge devant laquelle brûle une veilleuse résume l’intérieur de Fiesco, etc.
Le résultat est d’une élégance un peu froide et impersonnelle, et l’on pourra juger irritant l’abus de la tournette, malgré quelques effets réussis, comme la salle du conseil qu’on redécouvre dévastée après avoir aperçu les plébéiens y faire irruption. Lesdits plébéiens sont en fait une poignée de figurants car, comme pour l’éblouissant Boris Godounov mis en scène par Barrie Kosky en ouverture de saison, et de manière presque aussi paradoxal, ce peuple dont il est tant question dans Simon Boccanegra reste ici obstinément invisible : une fois encore, le chœur et l’orchestre sont dans un autre bâtiment, le son étant acheminés à l’intérieur du théâtre où les solistes, eux, sont heureusement bien présents. Le système a ses limites, mais il fonctionne plutôt bien.
© Monika Rittershaus
Mais l’événement, on l’a dit, était surtout la prise de rôle de Christian Gerhaher. Récitaliste avant tout, le baryton allemand se contente d’une poignée d’œuvres scéniques qu’il retrouve presque chaque année : il est notamment le comte dans Les Noces de Figaro, Wolfram dans Tannhäuser, ou ce Wozzeck que l’on aurait dû applaudir à Aix-en-Provence l’été dernier. Le répertoire italien est rare dans son parcours, d’où l’intérêt supplémentaire de ce Boccanegra. Bien que très loin de l’italianité exacerbée d’un verdien comme Leo Nucci, Gerhaher possède à cinquante ans passés la maturité nécessaire et, en dehors de quelques maniérismes – la tentation du quasi parlé qu’on lui connaît dans les lieder – son interprétation s’avère tout à fait convaincante.
L’Amelia de Jennifer Rowley étonne d’abord par des couleurs plus mures qu’on ne s’y attend dans le rôle, et si son air d’entrée manque cruellement de magie, c’est aussi à cause de la direction de Fabio Luisi, efficace par ailleurs mais qui, à ce moment précis, ne parvient pas à trouver l’alchimie souhaitée. La soprano américaine se montre en revanche totalement convaincante dans le final de l’Acte I et dans le reste de l’œuvre. Le ténor Otar Jorjikia fait preuve d’une belle générosité en Adorno, et l’on sait gré à Nicholas Brownlee de joindre à un timbre d’une belle noirceur un jeu à la fois sobre et expressif, loin des caricatures de « méchant » que l’on voit parfois en Paolo.
Quant à Christof Fischesser, admiré pour ses incarnations wagnériennes, son Fiesco déçoit d’abord (méforme occasionnelle sans doute, il détonne carrément dans les deux notes les plus graves de son premier air, visiblement émises avec difficulté) mais se rattrape par la suite. Compte tenu de la prouesse technique qui leur permet de se faire entendre, l’orchestre et les chœurs se tirent de l’épreuve avec les honneurs. Question subsidiaire : combien de temps encore l’Opéra de Zurich pourra-t-il tenir cette gageure ?
Laurent Bury
Verdi : Simon Boccanegra – Opéra de Zurich ; disponible sur ARTE Concert jusqu’au 20 janvier 2021 : www.arte.tv/fr/videos/100367-001-A/simon-boccanegra-de-giuseppe-verdi/
Photo © Monika Rittershaus
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